Confiance et Etat Providence selon Y Algan, P Cahuc et M Sangnier

Taux de Prélèvement et Capital Social

La loi de Wagner, énoncée par l'économiste allemand A. Wagner à la fin du XIXe siècle prédit que plus l'économie d'un  pays est avancée, plus l'État prend un poids important dans l'économie. Plus d'un siècle plus tard, il apparaît que le poids de l'État dépend aussi de variables sociales qui expliqueraient les disparités constatées indépendamment du revenu par habitant.

A de Tocqueville: observateur du capital social Américain


Alors qu'on pourrait prévoir un poids de l'État augmentant avec la cohésion sociale et le civisme du pays, lorsque l'on observe la proportion des dépenses sociale rapportée au PNB dans différents pays, on voit que les États-Unis, le Japon sont dans un creux fiscal alors que l’Italie et la France d’une part, et les pays scandinaves d’autre part ont un budget plus important.



La question est pourquoi certaines populations ont voté l’augmentation de la taille de leur gouvernement alors que leur citoyens font preuve de moins de confiance envers leurs concitoyens et leur gouvernement que les Japonais ou les Américains ?

Avant cela, nous présentons ci-dessous le concept de capital social en économie politique.

Capital Social en Italie

Le capital social est un concept proposé en 1986 par le sociologue P Bourdieu pour décrire des sources non financières de reconnaissance et d'influence pour l’élite sociale. Par exemple, les prêtres, les journalistes, et les agents de l'Etat les plus influents peuvent avoir une influence sociale qui va bien au delà de l'impact de leur ressources financières.

En 1993, ce concept est repris dans un sens différent plus collectif et non élitiste dans le livre de Robert D Putnam, Leonardi et Nanetti: Making Democracy Work.  Les auteurs ont étudié la performance de 20 gouvernements régionaux depuis 1970. Les institutions étaient similaires, mais le contexte social économique et culturel était diffèrent. Ils trouvent que les administrations régionales les plus efficaces étaient ceux où il y avait une forte tradition d’engagement civique.

Mr Putnam note que les citoyens sont à la fois plus satisfaits de leur gouvernement dans le nord de l’Italie et pensent que l’état devrait jouer un rôle moins important. Dans le sud de l’Italie, ils pensent que l’état ne joue pas son rôle de manière satisfaisante et qu’il devrait avoir un rôle plus important.

Mr Putnam conclut que le succès de la démocratie nécessite la confiance mutuelle et la coopération des concitoyens, ainsi qu’une tradition de gouvernement décentralisé. 

C'est cet esprit de confiance et de coopération que Putnam appelle le capital social.

Efficacité et inefficacité de l’état providence

Il s’agit d’un article écrit en 2011 par Y Algan, P Cahuc et M Sangnier (que l’on trouve ici). Leur sommaire peut se traduire ainsi : 

L’article montre que les différences entre pays de générosité et de qualité de l’État providence est lié aux différences de confiance entre ses citoyens. Les États-providence généreux et transparents des pays scandinaves sont basés sur le civisme de leurs citoyens. 

En revanche, la générosité assortie d’une manque de transparence des États européens continentaux survit grâce au support d’une forte proportion de citoyens incivique qui considèrent que la fraude fiscale et aux bénéfices sociaux est justifiée. 


Nous expliquons aussi pourquoi des pays avec un degré intermédiaire d’honnêteté et de transparence du gouvernement, tels que les pays anglo-saxons, ont un État-providence moins développé.

Rang de la France en termes de Civisme

Quelle est la place de la France par rapport aux autres pays ? Cela dépend de la mesure de capital social. Si on le mesure avec la question : « peut-on avoir confiance en la plupart des gens ? », la France a un capital social parmi les plus bas d’Europe. Si l’on mesure le capital social avec la perception de corruption, la France a un capital social qui se situe plus dans la moyenne, proche du Japon et des États-Unis.

Dans le cadre simplifié décrit par cet article
  • Tout électeur votera pour plus d'impôts finançant les dépenses sociales si la proportion de population honnête est élevée
  • Tout électeur ayant l'intention de profiter des dépenses votera plus d'impôts qu'un électeur préoccupé par le bien commun, 
  • Le niveau de charges sociale se décide à la majorité et dépend donc du civisme de l'électeur médian
  • On atteint un premier maximum de dépenses sociale lorsque 51% des électeurs votent dans leur intérêt personnel, le niveau chute brusquement lorsque 51% des électeurs sont honnêtes et décident d'un niveau de dépenses en fonction de l'intérêt collectif plutôt que de leur intérêt personnel.
Il faut noter que dans le cadre simplifié de l'article, les électeurs forment une communauté homogène. La promesse de redistribuer les biens d'une minorité vers l'électeur médian n'intervient pas.

Les mêmes auteurs ont publié un nouvel article à ce sujet en Juin 2014 : Confiance et état providence : la courbe à deux sommets.

Pour complémenter cet article, nous vous renvoyons à ce billet concernant les articles de Picketty et Tirole qui étudient la transmission héréditaire des croyance concernant la justice sociale. Le surplus de redistribution en France par rapport aux USA est expliqué par une gauche cultivant sa pauvreté, plus revendicatrice et moins travailleuse, et la dissonance cognitive des pauvres aux USA.

Une autre explication, institutionnelle et non sociologique, est discutée dans ce billet concernant l'article de Djankov et Schleiffer qui montre un lien entre la nature du système légal qui dépend de circonstances historiques et le développement ultérieur du capital social.






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