Le Développement des Nations selon Acemoglu et Robinson

Daron Acemoglu est un économiste du MIT et James A Robinson à l'université de Chicago. Ils publient en 2012 "Raison des défaillances des nations". C'est l'occasion d'expliquer pourquoi certains pays restent sous développés alors que d'autres se sont développé. 

Ils revoient l'évolution historique des institutions et le développement dans le cadre de l'histoire économique mondiale. Les institutions sont selon eux la principale source de différence entre les nations: le Congo est plus riche en ressource naturelles que la Suisse. Une ville frontière entre deux pays comme Nogales à des niveaux de salaires moyens et de crime très différents de part et d'autre d'un mur frontière qui sépare les parties Mexicaine et Américaine de la ville. 

Dans leur étude du développement économique et politique, ils distinguent deux types d'institutions:

  • extractives: privilèges, absolutisme, servage, esclavage
  • inclusives: état de droit, parlementarisme, démocratie, droit de propriété
L'éducation et le progrès technologique sont souvent interdits par les systèmes extractifs. Ils bloquent les changement de l'ordre établi pour éviter toute remise en question ou poussée revendicative.

Les Aztecs: plus extractifs que les Espagnols?



Eléments d'histoire

  • Venise: entre le 10e et le 13e siècle, la république de Venise est inclusive, de jeunes armateurs prennent des risquent et partagent les bénéfices du commerce avec leurs contributeurs financiers. L'élection du Doge et le conseil sont accessibles aux nouveaux riches, le grand conseil devient héréditaire en 1297 et Venise se transforme en musée dans les deux siècles qui suivent.
  • Rome: la république est égalitaire en 500 av JC. Elle entre en crise alors que la classe patricienne se détache de la plèbe, avec des tribuns populistes en 150 av JC, l'agitation continue et est résolue 100 ans plus tard avec la période impériale commençant avec César et Auguste.
  • Divergence de Servage en Europe de l'Ouest et de L'Est: l'époque féodale introduit le servage dans toute l'Europe. Au 14e siècle, la peste bubonique tue plus de la moitié de la population, ce qui change les rapports de forces. Les serfs en Angleterre et en Europe de l'Ouest verront leur liberté augmenter. On observe la meme chose, puis un mouvement inverse en Europe de l'Est, où les corvées et restrictions des serfs augmentent tout du long du 15e et 16e siècle. Si il y a des chocs historiques comme la peste communs, il n'y a pas de déterminisme historique, des aiguillage critiques qui guident l'évolution constatée a posteriori.
  • La civilisation Maya qui nous laisse des pyramides précolombienne est caractérisée par des institutions extractives, des guerres entre ville pour obtenir des esclaves et faire des sacrifices humains. 
  • L'amérique Latine est marquée par une exploitation meurtrière par les espagnols des populations indiennes puis d'esclaves importés d'Afrique. L'économie est captive de monopoles et privilèges dispensés par le roi d'Espagne, puis une junte maintient son emprise politique et économique.
  • L'Angleterre avait régime monarchique faible face aux Lords et à un parlement qui obtient un pouvoir croissant de la magna carta (1215) à la Glorieuse Revolution (1688). La noblesse défend l'état de droit parce qu'elle leur permet de faire face au pouvoir royal. L'enrichissement de la classe capitaliste, et le passage d'un suffrage censitaire à universel reflète des mouvement sociaux qui s'amplifient après que la recherche de profit industriels concentrent la population dans les villes.
  • En France, le roi achète par exonération d'impôts la noblesse et le clergé. Ce qui lui permet de maintenir l'absolutisme. Cela mène à la révolution et l'abolition des privilèges. Une coalition de l'étranger tente d'éteindre le feu revendicatif mais la conscription produit une armée d'une taille jamais vue. Napoléon conquiert et réforme. Il met en place un code civil moderne qui se maintiendra sur le continent. La situation politique française ne se stabilise qu'en 1871 avec la 3e république. 
  • Australie, USA: Il s'agit de colonies où l'Angleterre tente d'abord d'organiser l'exploitation de ses colons. La population est si peu nombreuse face à des ressources naturelles importante qu'une libéralisation permettent un développement plus rapide, qui est dans l'intérêt à court terme des élites locales même si la couronne tente d'empêcher de tels développements: interdiction du droit de propriété des criminels envoyés en Australie, tentative de servage dans la première colonie de Jamestown. Ces colonies de peuplement Anglaises partent d'institution inclusives et évoluent encore plus rapidement dans ce sens que la métropole.
  • Ethiopie: il s'agit d'une monarchie absolue chrétienne avec des traditions millénaires dont les institutions extractives ont empêché le développement jusqu'au 20e siècle.
  • Congo, Nigeria: ce sont des pays artificiels qui existent après la colonisation. Dans certaines juridictions, le roi ou le chef de clan possède toute propriété et la redistribue à chaque décès, ce qui réduit les incitations au travail. Aussi, des guerres tribales incessante font que les hommes de moins de 35 ans se concentrent sur l'art de la guerre. Le commerce des esclaves avec les arabes et les européens va corrompre encore plus les institutions: peu à peu, les tribunaux traditionnels donnent toujours, quel que soit le crime ou l'évidence de culpabilité de l'accusé, la lucrative condamnation à la vente comme esclave.
  • Botswana: c'est un pays d'Afrique noir qui n'a pas subi d'administration coloniale car il ne servait pas d'intérêt stratégique, et ses chefs tribaux ont su négocier avec l'Angleterre au moment opportun. La performance de ce pays est bien meilleure que le Nigeria ou le Congo.
  • Inde: l'auteur explique que l'Angleterre croit de 2% par an plus rapidement lors de sa révolution industrielle. La mécanisation de la production textile a déplacé la production artisanale indienne, alors que des monopoles à l'import/export étaient mis en place. 
  • Ottoman: alors que l'imprimerie s'étend en Europe aux 15e siècle. et conduit à la réforme et aux guerres de religion. Le caliphe l'interdit. Elle n'est autorisée que qu'à partir de 1720, un seul imprimeur obtiendra une license, il sera soumis à la censure de nombreux "experts religieux" et ne publiera que 17 livres en 40 ans, apres quoi, il fermera boutique.
  • Japon, Chine: le Japon avait une organisation féodale avec un Shogun dont le pouvoir était limité. La crise de l'arrivée des canonnières du Commodore Perry pousse la noblesse japonaise à moderniser le pays sur un modèle impérialiste. Le japon développe son industrie d'armement. La Chine imperiale est beaucoup plus centralisee, cela empêche l'adaptation par la discontinuité sociale. Les Qing achètent leur armement au lieu de le produire, et seront éventuellement remplacés par des Maoïstes en 1949, qui selon l'auteur, s'avèrent encore plus extractifs jusqu'à l'arrivée de Deng Xiaoping.

Stabilité Sociale: deux equilibres possibles


Selon les auteurs, des institutions inclusive induisent un progres economique, un cycle vertueux, alors que des institutions extractives bloquent le développement et enferment la société dans un cercle vicieux.

Cycles Vertueux: Myopie Institutionnelle 

Pour illustrer les caractéristiques des cycles vertueux, Acemoglu présente différents aiguillage critiques  des trajectoires historiques dans le renforcement ou l'affaiblissement de l'état de droit.

  • En Angleterre, des propriétaires qui avaient effectivement expropriés les communes voient leur dépendances se faire vandaliser et leur gibier massacre par des mécontent qui se noircissent la face au charbon avant de sévir la nuit. Le Black Act interdit de telle pratique et puni par la pendaison toute personne qui se noircissait la face. Finalement, un procès avec jury n'applique pas ces peines considérée trop lourdes car cela aurait instrumentalisé la justice au service du pouvoir. L'état de droit prend une existence autonome en Angleterre. Renforcer ces institutions inclusives était toujours dans l'intérêt des factions dominantes, mais cet interet change peu à peu alors que le suffrage est élargi. 
  • Aux Etats-Unis, l'auteur décrit le progrès constant du gouvernement entre 1880 et 1910 pour limiter le pouvoir des trusts. En 1937, alors qu'il est réélu et a le pouvoir législatif, Roosevelt tente d'imposer la retraite à la cour suprême qu'il juge trop conservatrice, et qui selon lui empiète avec le législatif par son usage partisan de vétos constitutionnels. La aussi, la majorité s'oppose à sa proposition, aurait affaibli le pouvoir judiciaire.
  • Enfin, en Argentine, Perron un militaire qui avait pris le pouvoir lors d'un putsch en 43, et qui était élu en 1946 grâce à son alliance avec les syndicats décide de se débarrasser de la cour suprême et d'en nommer une nouvelle. Cela affaiblit fortement l'état de droit en Argentine, qui sera mis a mal par les putsch suivant et les lors des transitions démocratiques comme sous Carlos Menem.
Les décisions prises à ces points critiques de l'histoire le sont dans un contexte limité, leurs conséquences a long-terme sont très différentes de l'intention des protagonistes. 

Cercles Vicieux: l'histoire se répète

  • Au Guatemala, un système le système de travail forcé d'encomienda est mis en place au 16e siècle par les espagnols. Les terrains montagneux n'ont pas de valeur et sont laissés en indivision pour les indiens ou appartiennent au gouvernement, alors que l'élite se charge de l'exploitation de la main-d'oeuvre. En 1871, une grande réforme est poussée par la faction libérale de l'élite, pour mettre en valeur le terrain propice à la culture de café. Les indiens sont expropriés. A présent, le président, le ministre du développement sont tous des descendants de conquistador. La dominance politique nourrit la dominance économique depuis 4 siècles.
  • Dans le Sud des Etats-Unis, les familles de planteurs épargnent la guerre car une personne dispensée de conscription pour chaque 20 esclaves que la famille possède. Apres la guerre de secession, nombre de lois sont votées pour desaffranchir les noirs et s'assurer que les plantation continuent de fonctionner, limiter l'accès au vote et à l'éducation. Ce mouvement sera remis en cause après la participation des noirs aux guerres mondiales, avec les mouvement civique en 61-64. Le changement politique ne s'opère pas après 1860 parce que les planteurs ont réussi à convertir leur avantage économique en avantage politique pendant la reconstruction.
  • En Sierra Leone, les colonisateurs anglais renforcent l'autorité de chefs de village en rendant leur charge héréditaire, apres cela, ils créent une centrale d'achat du café censé protéger les agriculteurs des fluctuation des cours, la centrale deviendra peu à peu extractive. Lorsque des diamants alluviaux sont découvert, dont la prospection ne requiert qu'un tamis et non une immobilisation capitaliste comme les mines, ils vendent la concession à De Beers qui doit créer la force paramilitaire la plus importante du pays la où l'Australie ou la Californie vendaient des droits d'orpailleur lors de leur ruée vers l'or. Le gouvernement postcolonial de Siaka Stevens sera encore plus extractif. La centrale d'achat, et les contrats de diamants sont utilisés pour plus d'extraction. Elu sur un mandat d'alternance, il démantèle la voie-ferrée construite par les Anglais  et revend les rails pour nuire durablement à l'ethnie qui produisait la majorité des produits économiques du pays et éviter une alternance. Un choc politique comme la décolonisation peut conduire à des institutions encore plus extractives.
  • En Ethiopie en 1973, l'empereur Haile Selassie de la dynastie Salomonide millénaire est impopulaire: il laisse une famine sévir sur la population. Les Derg, un mouvement communiste de l'armée éthiopienne, aide des révoltes qui  attaquent les notables, quand ils ont pris suffisamment de pouvoir, ils arrêtent l'empereur. Le nouveau chef d'etat, Mengistu, s'installe dans la salle du trône, les uniformes de sous-officiers sont remplacés par des costumes élégants, les camarades de combat qui lui parlaient les mains dans les poches doivent s'adresser avec une déférence protocolaire. L'extraction continue, mais les famines qui arrivaient par incurie surviennent désormais à des fins politiques. Un choc politique comme la disparition d'une dynastie impériale de 7 siècles et son remplacement par des "hommes du peuple" avec une idéologie de partage peut conduire à plus d'extraction.
L'histoire esclavagiste, coloniale et raciste du 19e siècle est l'occasion pour certains Européens de battre leur coulpe, d'autres insistent sur la barbarie des cultures pré-coloniales. On voit que le problème n'est pas spécifiquement Européen. Les circonstances changent et les exploiteurs restent les memes au Guatemala et aux Mississippi, en Sierra Leone et en Ethiopie, de nouveaux acteur entrent et la farce continue. 

Perspectives: Développement, Extraction Imperialiste, Démocratie

L'ouvrage permet de mieux appréhender la question du développement, de l'apparition d'institutions inclusives, et de comprendre la nature et l'impact de l'extraction impérialiste. Cet ouvrage présente les droits de propriété comme fondamentaux pour la mise en valeur des ressources d'un pays. Politiquement, la droite donne depuis les lumières une origine méritocratique à la propriété la où la gauche condamne depuis 1830 une exploitation par une élite. 

Pour les pays émergent, la solution semble être de suivre la voie des pays qui ont réussi, c'est à dire avec des droits de propriété forts et bien distribués dans la population. Le Botswana qui est présenté dans ce travail comme un modèle de gouvernance est cependant en retard: la mortalité en dessous de 5 ans y est similaire au Venezuela et a l'Inde dont les habitants sont 3 fois plus pauvres, et 3 fois plus de mortalité qu'au Mexique et a la Chine qui ont un PIB/hab similaire et ont fait de bien meilleurs progrès en santé publique.

Pour les pays développés, Acemoglu semble penser que le cadre social démocrate libéral keynésien mis en place depuis l'après-guerre est optimal, mais la situation peut elle être améliorée? 

Au delà des mots vagues mais empreints de symboles comme la démocratie, l'état de droit, et la justice, et dont la perception change avec la société, l'auteur nous engage à peser si les institutions du pays sont inclusives ou extractives, c'est à dire favorables au développement. 

Deux factions ont des visions opposées: les socialistes jugent que des forces réactionnaires favorable au status quo ante font toujours obstruction, et qu'il faut redistribuer plus pour augmenter le développement. Les libéraux considèrent que les mesures sociales sont déjà si fortes qu'elles favorisent l'extraction par la rente d'Etat aux dépens de la création de richesse privée.

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