Socialisme et Libéralisme: des idéologies de progrès


Alors qu'au 19eme siècle, les conservateurs s'opposent aux libéraux, ces derniers disparaissent des scrutins alors qu'apparaissent les socialistes au 20e siècle. 

Le paysage politique peut être simplifiée en deux partis :
  • des conservateurs qui veulent éviter de changer l'ordre établi. S'ils sont soit très modestes, soit peu brillants. Dumoins, ils sont toujours satisfait de l'ordre des choses;
  • des réformateurs qui veulent changer la société pour plus d'efficacité économique, de liberté et d'égalité en droit. Ils sont ambitieux, finiront par être remplacés par les socialistes à la fin du 19e siècle.
Le projet libéral du 18e siècle était de remplacer l'Ancien Régime par un régime légitimé par la raison, ou l'égalité en droit inspirée des lumières permettrait à chacun de s'épanouir. Faisant appel au peuple dans leur combat contre les conservateurs pour plus de liberté, de compétition et d'efficacité économique, les libéraux seront remplacés par les socialistes au début du 20e siècle. C'est en Angleterre que ce remplacement est particulièrement évident.

Nous verrons comment le libéralisme a été remplacé par le socialisme comme représentant du parti du changement.

Asquith, le dernier libéral en 1920


Angleterre: Conservatisme, Libéralisme et Socialisme

La défaite du parti libéral en Angleterre et l'avènement d'une nouvelle alternative  bipartisane socialiste vs conservateur a été amenée par les réformes constitutionnelles des libéraux.

Au début du 19e siècle, le suffrage censitaire met en opposition deux élites économiques en Angleterre:

  • une aristocratie rentière agricole conservatrice
  • une bourgeoisie industrielle d'entrepreneurs libéraux (nouveaux riches)

Le pouvoir est détenu par la chambre des Lords, et l'histoire du 19e siècle sera marquée par le combat pour le pouvoir de ces deux classes. Ainsi, les "corn laws" (lois d'abolition des tarifs sur le grain) sont une victoire des libre-échangistes contre l'aristocratie.

Les libéraux sont perçus comme des parvenus arrogants et ultra-compétitifs tel Joseph Chamberlain, parti de rien, brillant élève, cordonnier puis faisant fortune dans la manufacture de vis, il se lance dans la politique en adoptant un style flamboyant, il se mariera trois fois. L'aristocratie quant à elle, joue le temps long et évite les innovations, et apprend dès Eton qu'il ne faut pas trop briller dans ses études pour ne pas susciter l'envie. Elle cultive un paternalisme et un aspect "fin de race" qui rassure dans un monde qui change.

Chamberlain, industriel au succes flamboyant, parti de rien, politicien liberal

La compétition incessante entre libéraux et conservateur requiert un arbitre. Dans un royaume ou un roi catholique intolérant a été déposé par le Parlement à l'époque de Guillaume d'Orange, le droit divin n'est plus une source de légitimité. Le monarque s'abstiendra de défendre des Lords qui lui ont impose la Magna Carta et un parlement.

Disraeli et Gladstone s'en remettront donc au verdict populaire, et l'extension du scrutin se fera tout au long du 19e siècle. En 1911, Winston Churchill, jeune libéral impatient voyait la chambre des Lords comme un ramassis de Lords séniles, incompétents, et seulement capables d'opposer leur veto.

Il participe avec Lloyd George à un très habile référendum populaire concernant un "budget du peuple" de "guerre contre la pauvreté" qui se débarrasse du veto des Lords et installe la démocratie en Angleterre.

Le résultat sera plus de pouvoir populaire et seuls des partis inspirant les masses pourront être élus :

  • les conservateurs qui proposent plus de tradition, de religion
  • Les socialistes qui proposent plus d'égalité

Les politiciens qui poussaient pour plus de liberté depuis le 18e siècle se recyclent en revendicateurs d'égalité, ou deviennent conservateurs comme le devint Churchill dans la décennie qui suit.

Amérique : Esclavage et Liberté

L'évolution américaine est similaire, avec un glissement du libéralisme vers le socialisme. L'inversion de ligne idéologique du Parti démocrate est le résultat du traumatisme de la guerre de sécession.

Aux Etats-Unis, le suffrage est censitaire dans beaucoup d'Etats (pas de taxation sans représentation). Le suffrage universel permet d'attirer la population, car cette dernière est très mobile. Le problème moral que pose l'esclavage est reconnu par l'Angleterre et par tous les Etats depuis la fondation du pays. Le gouvernement décide d'interdire l'importation d'esclaves en espérant que le problème se résoudrait à long terme.

La population d'esclaves aux Etats-Unis va cependant augmenter par natalité pendant les 70 années qui suivent l'indépendance, cette question de liberté va occuper la politique Américaine. La guerre de sécession va opposer des républicains libéraux pro-industriels contre des démocrates jaloux du droit des Etats et des traditions supporté par les planteurs.

Après cela, les démocrates vont se réinventer dans un rôle progressiste. Wilson, notamment, va  centraliser le pouvoir par la perception d'un impôt sur le revenu au niveau fédéral. Cela fera des Etats des satellites du gouvernement fédéral.

On voit ici des libéraux républicains et des conservateurs démocrates dont le rôle s'inverse dans la seconde moitié du 19e siècle. Le sens de "libéral" va s'inverser aux Etats-Unis comme en Angleterre pour signifier "progressiste" parce que le mouvement libéral a toujours été un mouvement non-conservateur.


France : le Décalage vers le Rouge

En France, la première république (avec l'abolition des corps de métiers) et le premier Empire (avec son code Napoléon) sont des victoires libérales. Le pouvoir se décline sur une plateforme conservatrice ou libérale. 

Bastiat est un libéral célèbre hors de France

C'est en 1850 que Bastiat écrit "La loi", le chant du cygne du libéralisme Français. Le passage au populisme se fera avec le suffrage universel de la seconde république, puis le plébiscite de Napoléon III, qui se pose en défenseur des pauvres et engage des Saint-Simoniens dans son gouvernement. Les mouvements "radicaux" de la Troisième République comme Clemenceau finissent par être considérés comme centriste en comparaison avec les nouveaux entrants tels la SFIO de Jaurès, le Parti Communiste, et les anarcho-syndicalistes. La droite est monarchiste, catholique et donc plus conservatrice paternaliste et ne sera jamais libérale. 

Le grand décalage vers le rouge connu des astrophysiciens depuis Hubble semble être la loi d'airain de l'évolution politique française.


Conclusion: les Monsieur Jourdain du Libéralisme

A part Bastiat qui décrit le problème de la recherche de rente en social-démocratie de manière prémonitoire, les politiciens du 19e siècle pratiquaient le libéralisme proné par Mrs Von Mises et Rothbard dans les années 50 comme Mr Jourdain faisait de la prose: sans qu'ils n'en sussent rien.

Si le laissez-faire est une doctrine économique dominante du 18e et du 19e siècle, le débat politique s'emporte toujours sur des questions bien plus polarisante pour l'opinion: en France, la question de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, de la colonisation en Afrique, du retour de la monarchie, de la liberté d'expression face a la menace terroriste des anarchistes, et de la préparation de la guerre avec l'Allemagne sont des sujets plus porteurs. La question de l'esclavage aux Etats-Unis, des guerres indiennes, et l'expansion aux Philippines faisaient partie des sujets. L'Angleterre était préoccupée par la défense de ses intérêts : vaste programme.

Le monde du 19e siècle avec ses Empires ambitieux était instable. Le développement des chemins de fer de 1850-70 engendre une production d'acier qui devait donner naissance aux complexes militaro-industriels en 1900. Cette mobilisation industrielle justifiera un contrôle de l'Etat sur toutes les ressources de la nation lors des conflits mondiaux.

Les partisans actuels du libéralisme le décrivent comme doctrine légale de liberté, de laissez-faire et de restreinte des pouvoir de l'Etat. 

Comme l'explique Garham Wallas, activiste socialiste anglais en 1907 dans La Nature Humaine en Politique, il devient clair pour les politiciens que l'homme de la rue auquel le suffrage universel a donné symboliquement le pouvoir légitime ne s'intéressera pas à ces subtilités. S'il apprend à lire, il lit des "tabloids" sans entrainer son sens critique, s'il a du temps libre il assiste à des match de football avec une ardeur jamais vue depuis le cirque romain.

En démocratie, un politicien se fait élire pour exercer le pouvoir, pas pour le restreindre. Les restrictions sur lesquelles les pères fondateurs américains insistaient en 1776 en réaction aux abus du monarque nécessitent un capital social qui n'existe plus en 1900. 

Le projet libéral est-il mort d'avoir émancipé les forces populaires comme en Angleterre, ou de la stratification sociale engendrée par l'évolution vers un mode de production industriel comme aux Etats-Unis?




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