2025-08-03

Révolution ou réforme ? Le destin divergent de la France catholique et de l’Angleterre protestante

Les histoires politiques de la France catholique et du monde anglo-saxon protestant (principalement l’Angleterre/Grande-Bretagne, avec des références aux États-Unis après 1776) offrent une étude fascinante des courants communs et des divergences marquées. Les deux régions ont surfé sur les vagues de la philosophie des Lumières, de la révolution industrielle et des réformes démocratiques modernes, mais leurs trajectoires ont radicalement divergé en raison de fondations religieuses, de philosophies de gouvernance et de luttes sociales distinctes. L’absolutisme catholique de la France a affronté son républicanisme séculier révolutionnaire, tandis que le protestantisme anglo-saxon a favorisé une voie plus graduelle et conciliatrice. Ce blog explore la chronologie de leur évolution politique et institutionnelle, mettant en lumière les parallèles (modernisation partagée) et les divergences (réformisme anticlérical français vs continuité anglo-saxonne), en s’appuyant sur des documents historiques pour plus de profondeur.

Jean-Baptiste Colbert, centralisateur


XVIe–XVIIe siècles : Fondations de la gouvernance et de la religion

Cette période pose les bases des divergences, la France adoptant l’absolutisme catholique et l’Angleterre pionnière d’une gouvernance basée sur le consentement.

  • 1534 (Angleterre) : L’Acte de Suprématie établit l’Église d’Angleterre sous Henri VIII, liant le protestantisme à l’État mais sous la supervision parlementaire. L’Église devient un outil politiquement neutre, évitant les conflits qui marqueront le catholicisme gallican en France.

  • 1540 (Global/France) : L’Ordre des Jésuites, fondé par Ignace de Loyola, obtient la reconnaissance papale et devient un pilier de la Contre-Réforme catholique. En France, les Jésuites établissent des collèges (ex. : Collège de Clermont en 1563, plus tard Louis-le-Grand), s’alignant sur l’absolutisme royal sous Henri IV (1604).

  • 1642–1651 (Angleterre) : La guerre civile anglaise aboutit à l’exécution de Charles Ier (1649) et à une brève république sous Cromwell, défiant la monarchie de droit divin. Parallèle : Les deux régions connaissent une résistance précoce à la règle absolue, nourrissant les idées des Lumières sur la gouvernance par consentement.

  • 1660 (Angleterre) : Restauration de la monarchie sous Charles II, mais avec un Parlement renforcé, équilibrant le pouvoir royal.

  • 1685 (France) : Révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV, imposant l’uniformité catholique et renforçant l’absolutisme de droit divin. L’Église gallicane, contrôlée par l’État, devient un symbole de l’Ancien Régime, alimentant plus tard l’anticléricalisme.

  • 1688 (Angleterre) : La Glorieuse Révolution chasse Jacques II, établissant une monarchie constitutionnelle via la Déclaration des droits (1689). La gouvernance par le « consentement des gouvernés » (selon Locke) s’enracine, poussant la France à renforcer son absolutisme pour contrer le modèle anglais, politisant son Église.

  • Fin XVIIe (France) : Les collèges jésuites prospèrent (40 000 élèves en 1750), formant les élites et soutenant l’orthodoxie royale contre les jansénistes (fermeture de Port-Royal en 1660).

Parallèle : Les guerres religieuses (guerre civile anglaise, guerres de religion françaises) suscitent un scepticisme précoce, posant les graines des Lumières.
Divergence : Le système parlementaire anglais contraste avec l’absolutisme centralisé français, liant le catholicisme à la monarchie en France.

XVIIIe siècle : Lumières et ruptures révolutionnaires

Les idées des Lumières se propagent de part et d’autre, mais les révolutions soulignent des contrastes marqués : anticléricalisme radical français vs gradualisme anglo-saxon.

  • 1717 (Angleterre) : La Grande Loge de Londres fonde la franc-maçonnerie moderne, déiste et apolitique, compatible avec l’anglicanisme. Elle reste une institution conservatrice et élitiste.

  • 1725–1738 (France) : La franc-maçonnerie arrive mais devient radicale sous l’influence des Lumières, devenant un foyer de libre-pensée anticléricale, s’opposant au monopole catholique.

  • 1738 (Global/France) : La bulle papale In eminenti condamne la franc-maçonnerie, renforçant son attrait pour les anticléricaux français.

  • 1750–1780 (Les deux) : Parallèle : Les philosophes des Lumières (Voltaire, Rousseau en France ; Locke, Hume en Grande-Bretagne) échangent des idées sur les droits et la raison, façonnant la pensée politique moderne.

  • 1762–1764 (France) : Le Parlement de Paris expulse les Jésuites, accusés d’ultramontanisme ; Louis XV les interdit à l’échelle nationale, confisquant 105 collèges. Cela marque une montée anticléricale pré-révolutionnaire.

  • 1773 (Global) : Suppression papale des Jésuites dans le monde entier.

  • 1776 (États-Unis/Anglo-Saxon) : La Révolution américaine et la Déclaration d’Indépendance renforcent la gouvernance basée sur le consentement. Parallèle : Inspire les révolutionnaires français (ex. : Lafayette), en phase avec les tensions pré-1789.

  • 1789–1799 (France) : La Révolution française abolit les privilèges et publie la Déclaration des droits (1789), mais devient violemment anticléricale (1790 Constitution civile du clergé, 1792–1799 déchristianisation). Les historiens comme Tocqueville jugent 1789 positif mais la Terreur (1793–1794) comme une dégénérescence ; les marxistes (Jaurès, Soboul) la défendent comme une lutte des classes.

  • Fin XVIIIe (Grande-Bretagne) : Pas de révolution ; des réformes graduelles accompagnent les débuts de l’industrialisation. La franc-maçonnerie reste fidèle à la Couronne, et l’Église reste neutre.

Parallèle : Les idées des Lumières et révolutionnaires (échanges États-Unis/France) stimulent l’innovation politique.
Divergence : La révolution radicale et anticléricale française contraste avec les réformes évolutives anglo-saxonnes, enracinant le républicanisme séculier.

XIXe siècle : Industrialisation, suffrage et luttes séculières

Les réformes industrielles et sociales s’alignent, mais la sécularisation militante française contraste avec l’intégration religieuse anglo-saxonne.

  • 1801–1802 (France) : Le Concordat de Napoléon restaure le catholicisme sous contrôle étatique ; les Jésuites reviennent (1814) mais font face à des restrictions (1828 Loi Martignac).

  • Début XIXe (Les deux) : Parallèle : La Révolution industrielle (Grande-Bretagne ~1760–1840, France ~1815–1860) entraîne la production de masse et l’urbanisation, favorisant le socialisme (Owen au Royaume-Uni, Fourier en France).

  • 1832 (Grande-Bretagne) : Le Reform Act élargit le suffrage, marquant une démocratisation graduelle.

  • 1848 (Les deux) : Parallèle : Révolutions et agitations ; la France adopte brièvement le suffrage universel masculin, tandis que les Chartistes britanniques poussent pour des réformes similaires.

  • 1850 (France) : La Loi Falloux autorise l’enseignement congréganiste, bénéficiant aux Jésuites, mais la réaction anticléricale s’intensifie.

  • 1870–1904 (France) : Offensive laïque de la Troisième République : le Grand Orient de France abandonne la référence au « Grand Architecte » (1877), marquant un sécularisme militant ; les Lois Ferry (1882) imposent une éducation gratuite et laïque ; la Loi sur les associations (1901) dissout les congrégations non autorisées ; interdiction de l’enseignement congréganiste en 1904.

  • 1870–1900 (Grande-Bretagne) : Élargissement progressif du suffrage (1867, 1884 Acts) ; l’Église anglicane s’intègre sans conflit. La franc-maçonnerie reste conservatrice et religieuse.

  • Fin XIXe (Les deux) : Parallèle : Émergence du progressisme et du socialisme (Fabians au Royaume-Uni, Jaurès en France), ainsi que des premières idées de protection sociale.

Parallèle : L’industrialisation et l’élargissement du suffrage façonnent les États modernes.
Divergence : La laïcité anticléricale française (franc-maçonnerie, lois anti-Jésuites) contre l’intégration religieuse anglo-saxonne rend la France plus radicalement réformiste.

XXe–XXIe siècles : État-providence, démocratie et tensions persistantes

Le suffrage universel et les États-providence convergent, mais l’héritage anticlérical français façonne les débats en cours.

  • 1905 (France) : La Loi de séparation des Églises et de l’État couronne l’anticléricalisme révolutionnaire ; les Jésuites et les catholiques s’adaptent via des écoles privées sous contrôle étatique.

  • 1918–1928 (Les deux) : Parallèle : Suffrage universel (Royaume-Uni 1918/1928, France 1944 pour les femmes, plus tôt pour les hommes).

  • 1921 (France) : Restauration des relations avec le Vatican après la Première Guerre mondiale, apaisant les tensions.

  • 1930–1940 (Les deux) : Parallèle : Émergence des États-providence (Rapport Beveridge au Royaume-Uni 1942, sécurité sociale française 1945) ; le socialisme se renforce (Labour au Royaume-Uni, Front populaire en France).

  • 1940–1944 (France) : Le régime de Vichy relance brièvement l’enseignement congréganiste, annulé après-guerre.

  • 1959 (France) : La Loi Debré finance les écoles catholiques sous contrat, équilibrant laïcité et compromis.

  • 1984 (France) : Les manifestations forcent l’abandon du projet Savary de nationalisation des écoles catholiques.

  • Après 1945 (Grande-Bretagne/États-Unis) : Expansion de l’État-providence (NHS au Royaume-Uni 1948) ; l’Église reste politiquement neutre, la franc-maçonnerie conservatrice.

  • 2000–2020 (Les deux) : Parallèle : Débats sur l’expansion de l’État-providence et le progressisme (ex. : essais de revenu universel).

  • 2004–2021 (France) : Lois sur les signes religieux (interdiction du voile en 2004) et contre le séparatisme (2021) renforcent les contrôles laïques, reflétant un anticléricalisme persistant.

  • XXIe siècle (Anglo-Saxon) : Le multiculturalisme intègre la religion, contrastant avec la laïcité française.

Parallèle : Suffrage universel et développement de l’État-providence.
Divergence : La laïcité anticléricale persistante de la France contre la neutralité religieuse anglo-saxonne renforce l’élan réformiste français.

La fiscalité comme clef de lecture

En Angleterre, sous l’Ancien Régime et particulièrement après la Glorieuse Révolution (1688), les nobles et le clergé étaient généralement soumis aux mêmes impôts que le reste de la population, y compris le tiers état (commoners), contrairement à la France où les nobles et le clergé bénéficiaient de privilèges fiscaux importants. Cette différence est cruciale pour comprendre les divergences entre les systèmes politiques et fiscaux français et anglo-saxons.

Situation en Angleterre : une fiscalité plus égalitaire

En Angleterre, le système fiscal était moins marqué par des exemptions de classe que celui de la France, en raison de la structure politique parlementaire et de l’absence d’un absolutisme comparable. Voici les points clés :

  1. Contexte politique et rôle du Parlement :
    • Après la Glorieuse Révolution (1688) et la Déclaration des droits (1689), le Parlement anglais, dominé par la gentry (équivalent partiel de la noblesse) et les élites locales, contrôlait la levée des impôts. Ce système de gouvernance par consentement impliquait que les impôts s’appliquaient largement à toutes les classes, y compris les nobles et le clergé anglican.
    • Contrairement à la France, il n’existait pas en Angleterre de distinction juridique formelle entre des « ordres » (noblesse, clergé, tiers état) avec des privilèges fiscaux systématiques. Les nobles anglais (lords et gentry) et le clergé anglican étaient intégrés dans une structure sociale plus fluide.
  2. Impôts principaux et application :
    • Land Tax (1692) : Cet impôt foncier, instauré pour financer les guerres (notamment contre la France), touchait tous les propriétaires terriens, y compris les nobles et le clergé. La gentry, qui possédait une grande partie des terres, contribuait significativement à cet impôt. Il était perçu localement par des commissaires, souvent issus des élites elles-mêmes, mais sans exemptions systématiques basées sur le statut social.
    • Hearth Tax (1662–1689) : Cet impôt sur les cheminées s’appliquait à tous les foyers, sans distinction de classe. Bien que les plus pauvres pouvaient parfois bénéficier d’exemptions, les nobles et le clergé n’étaient pas systématiquement exonérés.
    • Excises et douanes : Les impôts indirects (sur les biens de consommation, comme la bière ou le tabac) étaient universels, touchant toutes les classes, y compris les nobles et le clergé, lorsqu’ils consommaient ces produits.
  3. Rôle du clergé anglican :
    • L’Église anglicane, en tant qu’Église d’État, était intégrée au système politique et fiscal. Les évêques et le clergé payaient des impôts fonciers sur leurs terres et n’avaient pas d’exemptions systématiques comme en France. Par exemple, les dîmes (taxes ecclésiastiques) étaient perçues par le clergé, mais celui-ci contribuait également aux impôts royaux via ses propriétés.
  4. Limites à l’égalité fiscale :
    • Bien que les nobles et le clergé anglais ne bénéficiaient pas d’exemptions systématiques, leur influence au Parlement leur permettait de limiter la charge fiscale globale ou d’orienter les impôts vers des formes moins contraignantes pour eux (ex. : privilégier les taxes indirectes sur les biens de consommation, qui pesaient plus lourdement sur les classes populaires).
    • La collecte restait décentralisée, confiée à des élites locales (souvent nobles ou gentry), ce qui contrastait avec la centralisation française sous Louis XIV.

Conclusion pour l’Angleterre : Les nobles et le clergé anglais étaient soumis aux mêmes impôts que le reste de la population, notamment la Land Tax et les taxes indirectes, sans privilèges fiscaux généralisés. Le contrôle parlementaire et l’absence de divisions rigides entre ordres favorisaient une fiscalité plus égalitaire, bien que les élites conservaient une influence sur la législation fiscale.

Situation en France : privilèges de la noblesse et du clergé

En France, sous l’Ancien Régime, le système fiscal était profondément inégalitaire, avec des exemptions explicites pour la noblesse et le clergé, ce qui a alimenté les tensions sociales menant à la Révolution française.

  1. Privilèges fiscaux :
    • Noblesse (deuxième état) : Les nobles étaient largement exemptés de la taille, principal impôt direct, perçue sur la terre ou le revenu. Cette exemption était justifiée par leur rôle supposé dans la défense du royaume, bien que beaucoup ne remplissent plus cette fonction sous Louis XIV.
    • Clergé (premier état) : Le clergé catholique, représentant environ 1 % de la population, était également exempté de la taille et de nombreux autres impôts. Au lieu de cela, il versait un don gratuit, une contribution volontaire négociée avec la monarchie, bien inférieure à ce qu’il aurait payé en impôts réguliers.
    • Tiers état : Représentant environ 98 % de la population (paysans, bourgeois, artisans), il supportait l’essentiel des impôts directs (taille, capitation) et indirects (gabelle sur le sel, aides sur les marchandises).
  2. Réformes et résistances :
    • Sous Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert a tenté d’introduire des impôts plus universels, comme la capitation (1695) et le dixième (1710), censés toucher tous les ordres. Cependant, les nobles et le clergé obtenaient souvent des exemptions ou des réductions via leur influence dans les parlements ou grâce à des privilèges locaux.
    • Sous Louis XV et Louis XVI, le vingtième (1749–1751, prolongé ensuite) visait à taxer tous les revenus, mais les résistances des parlements (dominés par la noblesse) et du clergé ont limité son application. Ces échecs ont renforcé l’image d’un système fiscal protégeant les privilégiés.
  3. Conséquences :
    • Cette inégalité fiscale, où le tiers état portait le poids des impôts, a alimenté le ressentiment populaire. Gustave Le Bon, dans La Révolution française et la psychologie des révolutions, décrit cette situation comme un facteur clé de la Révolution, les « foules » étant poussées par des injustices perçues.
    • En 1789, l’abolition des privilèges (4 août) et la suppression des exemptions fiscales marquent une rupture radicale, avec la création de taxes uniformes comme la contribution foncière.
Si Colbert impose en 1664 une norme comptable en Livre Tournois
La noblesse et le clerge restent pourtant exemptes.

Conclusion pour la France : Les nobles et le clergé français bénéficiaient d’exemptions fiscales majeures, notamment sur la taille, contrairement au tiers état, qui supportait la majorité des impôts. Ce système, consolidé sous Louis XIV, a exacerbé les tensions sociales, contrairement à l’Angleterre.

Comparaison des fiscalités: le révélateur de privileges exorbitants

  • Angleterre : Les nobles et le clergé anglican étaient soumis aux mêmes impôts que les commoners (Land Tax, excises), sans exemptions systématiques basées sur le statut social. Le contrôle parlementaire post-1688 garantissait une fiscalité plus équitable, bien que les élites influençaient les lois fiscales. Cela reflète la gouvernance par consentement, moins centralisée.
  • France : Les nobles et le clergé étaient largement exemptés des impôts directs, laissant le tiers état supporter le fardeau fiscal. Cette inégalité, renforcée par la centralisation sous Louis XIV (années 1660–1670, réformes de Colbert) est un catalyseur de la Révolution.
  • Impact : contrairement à la décentralisation anglaise, la centralisation en France a cristallisé les inégalités fiscales, alimentant la colère du tiers état. Cette divergence fiscale explique en partie pourquoi la France a développé un républicanisme anticlérical radical, tandis que l’Angleterre a maintenu une continuité institutionnelle.

Conclusion : Deux modèles de modernité, entre héritage et convergence

L’histoire politique comparée de la France catholique et du monde anglo-saxon protestant révèle une dialectique fascinante : des idéaux communs (Lumières, démocratie, industrialisation) interprétés à travers des prismes religieux et institutionnels radicalement opposés. La France, marquée par l’absolutisme de droit divin et une Église gallicane instrumentalisée, a produit une rupture révolutionnaire et une laïcité militante. Les pays anglo-saxons, portés par une gouvernance parlementaire précoce et un protestantisme intégré, ont privilégié la réforme graduelle.

La fiscalité illustre cette divergence : en Angleterre, l’absence de privilèges systématiques pour les élites a consolidé un contrat social fondé sur la responsabilité partagée, tandis qu’en France, les exemptions de la noblesse et du clergé ont alimenté un ressentiment populaire, cristallisé en 1789. Cette fracture historique éclaire des dynamiques contemporaines : la méfiance française envers les corps intermédiaires (syndicats, institutions religieuses) s’oppose au pragmatisme anglo-saxon, où la religion reste un marqueur culturel apolitique.

Aujourd’hui, malgré la globalisation, ces modèles peinent à converger. La France défend une laïcité intransigeante face au multiculturalisme anglo-saxon, et son État-providence garde la trace de son centralisme jacobin. Pourtant, des défis communs (crises démocratiques, inégalités) pourraient-ils estomper ces divergences ? L’histoire suggère que les nations n’oublient pas leurs origines – mais elle montre aussi leur capacité à réinventer leurs traditions.

Ultime question : La France saura-t-elle concilier son héritage réformiste avec les exigences d’une société pluraliste, tandis que le monde anglo-saxon réinterrogera son équilibre entre liberté individuelle et cohésion collective ? Le dialogue entre ces deux modernités reste ouvert, et son issue, aussi passionnante qu’imprévisible, écrit toujours l’histoire.

Franc-maçonnerie : la guerre secrète entre l’Angleterre conservatrice et la France révolutionnaire

 

La divergence entre les loges maçonniques anglaises et françaises s’enracine dans des conceptions opposées de la laïcité, du rapport au religieux et, plus largement, dans des contextes politiques radicalement différents – l’un marqué par un compromis entre Église et État (Angleterre), l’autre par une lutte historique contre le catholicisme perçu comme monarchique (France). Voici une analyse structurée de cette fracture :

1. Origines communes, trajectoires divergentes

  • 1717 (Londres) : Fondation de la Grande Loge de Londres, modérée et compatible avec l’anglicanisme.
    • La maçonnerie anglaise intègre une dimension déiste mais reste apolitique, ouverte aux croyances diverses dans un cadre monarchique et religieux établi.
    • Pas de conflit avec l’Église anglicane, qui est une Église d’État.
  • 1725-1738 (France) : Implantation de la maçonnerie, mais rapidement influencée par les Lumières radicales.
    • Dans un contexte de monopole catholique et de gallicanisme, les loges deviennent des espaces de libre-pensée, souvent anticléricaux.
    • Opposition à l’Église, perçue comme un pilier de l’Ancien Régime (alliance du trône et de l’autel).

2. La fracture révolutionnaire (1789–1815)

  • Angleterre :
    • Les loges restent loyales à la Couronne et à l’Église anglicane.
    • La maçonnerie est un lieu de sociabilité élitiste, sans dimension subversive.
  • France :
    • Rôle actif des francs-maçons dans la Révolution (ex. : le Club des Jacobins, fondé par des maçons).
    • Hostilité au catholicisme : Les loges soutiennent la Constitution civile du clergé (1790), puis la déchristianisation.
    • Napoléon instrumentalise la maçonnerie pour contrôler les élites, mais maintient une méfiance envers les loges trop radicales.



3. XIXe siècle : Laïcité vs. Compromis religieux

  • Angleterre :
    • La maçonnerie reste compatible avec la religion d’État.
    • Pas de conflit : Les loges accueillent des pasteurs anglicans et des nobles conservateurs.
  • France :
    • Conflit ouvert avec l’Église catholique :
      • Le pape Clément XII condamne la maçonnerie dès 1738 (bulle In eminenti), mais cela renforce son attractivité pour les anti-cléricaux.
      • 1871–1905 : Les francs-maçons sont aux avant-postes des lois laïques (écoles publiques, séparation des Églises et de l’État).
      • Symbolique républicaine : Le "Grand Architecte de l’Univers" (concept maçonnique) est souvent interprété comme une alternative déiste à Dieu.

4. XXe–XXIe siècles : Deux modèles irréconciliables ?

  • Modèle anglais :
    • Religion civile : La maçonnerie intègre des rituels chrétiens (Bible ouverte dans les loges).
    • Conservatisme : Pas de remise en cause de l’ordre établi.
  • Modèle français :
    • Laïcité militante : Le Grand Orient de France (GODF) abandonne toute référence au Grand Architecte en 1877.
    • Engagement politique : Soutien à la laïcité, aux droits sociaux, et tradition républicaine.
    • Anticléricalisme persistant : Méfiance envers l’influence de l’Église (cf. débats sur le voile, les écoles hors contrat).


5. Maçonnerie Américaine : philanthropie et conformisme

La franc-maçonnerie aux États-Unis, marquée par l’adhésion de figures comme George Washington, a été un vecteur d’unité nationale et de valeurs républicaines au XVIIIe siècle. Après une crise majeure dans les années 1820, elle s’est réinventée comme une organisation philanthropique et communautaire, tout en restant fidèle au modèle déiste anglais.

Contrairement à la France, elle n’a pas adopté un caractère anticlérical ou militant, mais elle a perdu de son influence au XXe siècle face à la sécularisation et à la concurrence. Aujourd’hui, elle cherche à se moderniser pour rester pertinente, tout en conservant son héritage historique.


6. Comparaison avec l’Angleterre et la France

FacteurÉtats-UnisAngleterreFrance
Rapport à la religionDéiste, exige croyance en un Être suprêmeDéiste, compatible avec l’anglicanismeLaïcité militante (GODF sans référence religieuse)
PolitiqueApolitique, soutient l’ordre républicainApolitique, soutient la monarchieEngagement républicain, anticlérical
Contexte historiqueIndépendance, société pluralisteCompromis Église-ÉtatRévolution, lutte contre l’Église
Image publiquePhilanthropique, mais parfois vue comme élitisteConservatrice, intégrée à l’éliteMilitante, associée à la laïcité

La franc-maçonnerie, miroir des fractures politiques et religieuses

L’histoire comparée des maçonneries anglaise et française révèle bien plus qu’une simple divergence organisationnelle : elle incarne deux visions antagonistes de la modernité. En Angleterre, les loges, fidèles à la Couronne et à l’Église anglicane, ont épousé un rôle de ciment social, consolidant un ordre établi où religion et pouvoir dialoguent sans heurts. Aux États-Unis, cette tradition a évolué vers un républicanisme déiste et philanthropique, sans remettre en cause les fondements religieux de la société.

La France, en revanche, a fait de la franc-maçonnerie un fer de lance de sa lutte contre l’Église catholique, pilier de l’Ancien Régime. Les loges y sont devenues des laboratoires de la laïcité militante, portant les idéaux révolutionnaires puis républicains. L’abandon du « Grand Architecte » par le Grand Orient en 1877 symbolise cette rupture radicale avec toute transcendance, au profit d’un humanisme politique engagé.

Un clivage toujours actuel

Aujourd’hui, cette opposition structurelle persiste :
  • Outre-Manche et outre-Atlantique, la maçonnerie reste une institution discrète, intégrée à l’establishment, où spiritualité et conformisme social coexistent.
  • En France, elle incarne toujours un bastion de la laïcité, régulièrement mobilisé dans les débats sur le voile, les écoles privées ou la laïcité « à la française ».

Question finale :

Dans un monde globalisé, ces deux modèles peuvent-ils converger ? L’affaiblissement contemporain des loges (perte d’influence, vieillissement des membres) suggère que leur avenir dépendra moins de leurs racines historiques que de leur capacité à répondre aux nouveaux clivages sociaux – quitte à transcender leur ancien rôle de miroir des tensions entre Église et État.

2025-08-02

Jésuites : comment l’Église a perdu le contrôle de l’école française

Voici une chronologie des relations entre l'État et l'Église en France, depuis l'arrivée des Jésuites jusqu'au XXIe siècle, avec un focus sur leur rôle éducatif et les grands tournants politico-religieux.

Le très gallican Richelieu utilisera les jésuites ultramontains
Image: Siège de la Rochelle - Henri Motte, wikicommons



I. L'implantation des Jésuites et leur apogée (XVIe-XVIIe siècles)

  1. 1540 : Fondation de la Compagnie de Jésus (reconnaissance papale).
  2. 1563 : Création du Collège de Clermont (futur Louis-le-Grand) à Paris.
  3. 1604 : Henri IV officialise leur présence en France - développement rapide des collèges (La Flèche, Bordeaux...).
  4. 1618 : Le Collège de Clermont devient Collège Louis-le-Grand (sous Louis XIII).
  5. 1638-1682 : Âge d'or des collèges royaux jésuites :
    • Formation de l'élite administrative et noble.
    • Opposition aux jansénistes (fermeture de Port-Royal en 1660).
  6. 1713 : Louis XIV soutient la bulle Unigenitus contre le jansénisme, s'appuyant sur les Jésuites.


II. Le tournant anti-jésuite et la Révolution (XVIIIe siècle)

  1. 1762 : Le Parlement de Paris expulse les Jésuites (accusés d'ultramontanisme).
  2. 1764 : Louis XV généralise l'expulsion - confiscation de leurs biens (dont 105 collèges).
  3. 1773 : Suppression mondiale de la Compagnie par le pape Clément XIV.
  4. 1789-1799 : Révolution française :
    • 1790 : Constitution civile du clergé (nationalisation des biens d'Église).
    • 1792-1799 : Déchristianisation violente (destruction d'églises, culte de la Raison).

III. Le XIXe siècle : Retour des Jésuites et guerres scolaires

  1. 1801-1802 : Concordat napoléonien - rétablissement du culte catholique mais sous contrôle étatique.
  2. 1814 : Pie VII rétablit la Compagnie de Jésus.
  3. 1828 : Loi Martignac limite leur enseignement (petits séminaires seulement).
  4. 1850 : Loi Falloux - les congrégations retrouvent une place dans l'enseignement.
  5. 1880-1904 : Offensive laïque :
    • 1882 : Lois Ferry (école gratuite, laïque, obligatoire).
    • 1901 : Loi sur les associations (dissolution des congrégations non autorisées).
    • 1904 : Interdiction totale de l'enseignement aux congrégations.

IV. Le XXe siècle : De la séparation aux compromis

  1. 1905 : Loi de séparation des Églises et de l'État.
  2. 1914-1940 : Assouplissements :
    • 1914 : Autorisation des aumôneries militaires.
    • 1921 : Rétablissement des relations avec le Vatican.
  3. 1940-1944 : Régime de Vichy - retour des congrégations enseignantes.
  4. 1959 : Loi Debré - financement public des écoles catholiques sous contrat.
  5. 1984 : Abandon du projet Savary (nationalisation de l'enseignement catholique) après manifestations.

V. Le XXIe siècle : Nouvelles tensions laïques

  1. 2004 : Loi sur les signes religieux à l'école (interdiction du voile).
  2. 2016 : Extension de la laïcité aux universités.
  3. 2021 : Loi contre le séparatisme - contrôle accru sur l'instruction à domicile.

Focus : Les collèges jésuites en dates clés

PériodeÉvénement
1563-1604Implantation des premiers collèges (Clermont, La Flèche).
1604-1762Réseau éducatif dominant (40 000 élèves en 1750).
1762-1814Disparition (biens transférés aux Oratoriens ou aux universités).
1814-1904Retour progressif mais limité (loi Falloux en 1850).
Depuis 1959Intégration dans le système éducatif sous contrat (loi Debré).



Les Jésuites, révélateurs des tensions entre pouvoir politique et religieux


L’histoire des Jésuites en France est bien plus que celle d’un ordre religieux : c’est une clé de lecture des rapports tumultueux entre l’Église et l’État. Tour à tour instrument du pouvoir royal, bouc émissaire des Lumières, puis symbole des compromis de la laïcité, leur trajectoire reflète les métamorphoses de la société française.

Trois actes pour une saga nationale

  • L’âge d’or (XVIe–XVIIIe siècles) : Alliés des rois, les Jésuites deviennent les éducateurs de l’élite et les gardiens de l’orthodoxie catholique, jusqu’à incarner l’union du trône et de l’autel. Leur expulsion en 1762 marque un premier basculement : l’État, sous influence des Lumières, affirme sa primauté sur l’Église.
  • Le long exil (1762–1814) : Supprimés globalement en 1773, leur retour post-Napoléon s’accompagne de méfiance. Le XIXe siècle est celui des guerres scolaires, où leur réinsertion (loi Falloux, 1850) provoque la contre-offensive laïque (lois Ferry, 1882).
  • L’intégration paradoxale (XXe–XXIe siècles) : La loi Debré (1959) scelle un pacte inattendu : l’État finance des écoles catholiques… à condition qu’elles servent le « service public ». Aujourd’hui, les Jésuites naviguent entre héritage religieux et adaptation à une société sécularisée.

Une question toujours ouverte

Les débats récents (loi de 2021 contre le « séparatisme ») montrent que la question scolaire n’est pas close. Les Jésuites, désormais minoritaires dans un paysage éducatif dominé par le public, incarnent-ils un modèle dépassé ou une alternative pertinente face aux défis de l’éducation ? Leur histoire suggère une leçon : en France, toute coexistence entre Église et État repose sur un équilibre fragile, sans cesse à réinventer.

La Révolution française a-t-elle trahi les Lumières ? Plus de deux siècles de débats enflammés

La Révolution française (1789-1799) reste l’un des événements les plus débattus de l’histoire. Selon les écoles de pensée, les historiens en proposent des lectures radicalement différentes : certains y voient un progrès inéluctable, d’autres une tragédie sanglante, d’autres encore une étape dans la construction de l’État moderne. Cet article explore quatre grands récits historiographiques qui s’affrontent encore aujourd’hui.
Toqueville: aristocrate libéral "modéré"
soutien de l'impôt progressif et du suffrage universel



1. L’approche libérale et des Lumières : 1789 bien, 1793 mal

Thèse centrale : La Révolution était légitime en 1789 (Déclaration des droits de l’homme), mais a dégénéré avec la Terreur (1793-1794).

Auteurs clés :

  • Alexis de Tocqueville (L’Ancien Régime et la Révolution, 1856) :
    • La Révolution a achevé la centralisation monarchique plutôt que de la renverser.
    • Critique de la démocratie jacobine, trop égalitariste et despotique.
  • François Furet (Penser la Révolution française, 1978) :
    • La Terreur n’était pas un accident, mais une conséquence logique de l’idéologie révolutionnaire.
    • Rejet de l’idée marxiste d’une "révolution bourgeoise".
  • Benjamin Constant (De la Terreur, 1797) :
    • Défend les libertés individuelles contre l’État jacobin.

Citation emblématique (Tocqueville) : "La Révolution a perfectionné la puissance de l’État bien plus qu’elle ne l’a détruite."


2. L’approche socialiste et marxiste : 1793 bien, Thermidor mal

Thèse centrale : La Révolution était un processus de lutte des classes ; la Terreur était nécessaire, mais trahie par Thermidor (1794).

Auteurs clés :

  • Jean Jaurès (Histoire socialiste de la Révolution, 1901-1904) :
    • La Révolution a été portée par le peuple, mais la bourgeoisie a confisqué ses gains.
  • Albert Mathiez (La Révolution française, 1922-1927) :
    • Défend Robespierre et la Terreur comme moyens de sauver la Révolution.
  • Georges Lefebvre (Les Paysans du Nord, 1924) :
    • Montre comment la paysannerie a été un acteur autonome de la Révolution.
  • Albert Soboul (Les Sans-Culottes parisiens, 1958) :
    • Étudie le mouvement populaire comme préfiguration des luttes ouvrières.

Citation emblématique (Mathiez) : "La Terreur n’était pas un système de gouvernement, mais une arme de guerre civile."


3. Les analyses institutionnelles : continuité et formation de l’État

Thèse centrale : La Révolution n’a pas tout changé ; elle a accéléré des processus déjà engagés sous la monarchie.

Auteurs clés :

  • Alexis de Tocqueville (déjà cité) :
    • Montre comment l’administration centralisée de Napoléon prolonge l’Ancien Régime.
  • Charles Tilly (La France conteste, 1986) :
    • La Révolution a renforcé le monopole étatique de la violence (écrasement des Chouans).
  • Pierre Rosanvallon (L’État en France, 1990) :
    • Étudie comment la Révolution a inventé la citoyenneté moderne.

Citation emblématique (Tocqueville) : "La Révolution a continué l’œuvre de la monarchie avec d’autres moyens."


4. Les analyses psychologiques : foules, terreur et mentalités

Thèse centrale : La violence révolutionnaire s’explique par des dynamiques de groupe et des peurs collectives.

Auteurs clés :

  • Gustave Le Bon (La Révolution française et la psychologie des révolutions, 1912) :
    • La Terreur est le produit de foules irrationnelles et de meneurs manipulateurs.
  • Hippolyte Taine (Les Origines de la France contemporaine, 1875) :
    • Dénonce la "barbarie" jacobine comme une régression mentale.
  • Michel Vovelle (La Mentalité révolutionnaire, 1985) :
    • Analyse les croyances et peurs qui ont alimenté la violence.

Citation emblématique (Le Bon) : "Les foules révolutionnaires obéissent à des impulsions et non à la raison."


Enseignement scolaire républicain, évolution

La Révolution française occupe une place centrale dans le récit national enseigné par l’Éducation nationale. Cette vision, souvent qualifiée de "républicaine", a été façonnée par des historiens engagés et a évolué au gré des débats politiques et scientifiques.


1. Les fondateurs du récit républicain (XIXe siècle)

A. Jules Michelet (1798-1874)

Œuvre clé : Histoire de la Révolution française (1847-1853) Apport :

  • Une Révolution "peuple" : Michelet en fait l’acte fondateur de la nation française, porté par le peuple (et non seulement les élites).
  • Dimension mystique : Il décrit 1789 comme une "renaissance" de la France, presque sacrée. Postérité : Son récit romantique influence l’école républicaine, qui en fait un modèle d’unité nationale.

B. Alphonse Aulard (1849-1928)

A Aulard, premier historien "professionnel" de la Révolution


Œuvre clé : Histoire politique de la Révolution française (1901) Apport :

  • Premier titulaire d’une chaire d’histoire de la Révolution à la Sorbonne (1885).
  • Défense de Danton contre Robespierre, vu comme un modéré face aux excès de la Terreur. Impact scolaire : Son manuel La Révolution française et le régime féodal (1919) a été utilisé dans les écoles jusqu’aux années 1950.

2. L’école républicaine et l’apogée du roman national (IIIe République)

Sous la IIIe République (1870-1940), la Révolution devient le socle de l’identité française, enseignée comme :

  • Un progrès inéluctable (contre l’Ancien Régime).
  • Une lutte pour la liberté et la raison (héritage des Lumières).
  • Un modèle d’émancipation universelle (droits de l’homme, laïcité).

Auteurs marquants :

  • Ernest Lavisse (1842-1922) :
    • Ses manuels scolaires (années 1880-1910) présentent la Révolution comme l’aboutissement de l’histoire de France.
  • Citation typique : "La Révolution a fait de tous les Français des citoyens égaux."
  • Charles Seignobos (1854-1942) :
    • Met l’accent sur les institutions nouvelles (Constitution de 1791, suffrage).

3. Les remises en cause et évolutions (XXe-XXIe siècles)

À partir des années 1960, le récit républicain traditionnel est contesté :

A. La critique marxiste (années 1950-1970)

  • Albert Soboul et Georges Lefebvre intègrent les programmes scolaires, insistant sur les luttes sociales (sans-culottes, paysans).
  • Mais : Leur vision est progressivement attaquée par les libéraux (Furet).

B. Le tournant Furet (années 1980-2000)

  • François Furet (Penser la Révolution française, 1978) déconstruit le "roman national".
  • Impact scolaire : Les manuels des années 1990-2000 présentent désormais une Révolution controversée, avec des débats sur la Terreur.

C. Approches récentes (depuis 2000)

  • Mémoire et diversité :
    • La question coloniale (esclavage, révoltes antillaises) est intégrée.
    • Le rôle des femmes (Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt) est mieux étudié.
  • Manuels actuels :
    • Moins de linéarité, plus de multiplicité des perspectives (ex. : la Contre-Révolution, la Vendée).
    • Utilisation de documents contradictoires (discours de Robespierre vs témoignages de victimes).

4. La Révolution dans l’enseignement aujourd’hui

Ce qui reste du récit républicain classique :

  • 1789 comme fondation (Déclaration des droits, abolition des privilèges).
  • La République comme aboutissement (malgré les détours impériaux).

Ce qui a changé :

  • La Terreur n’est plus justifiée : elle est présentée comme un problème moral et politique.
  • Moins de héros, more de débats : Robespierre n’est plus un "saint laïc", Napoléon n’est plus seulement un génie.
  • Histoire globale : La Révolution est reliée aux révoltes atlantiques (Haïti, États-Unis).

La Révolution française, une mosaïque d’interprétations


La Révolution de 1789-1799 n’est pas un événement historique figé, mais un miroir où chaque génération projette ses interrogations. Quatre grands récits s’affrontent, révélant autant de visions de la société :
  1. Le récit libéral (Tocqueville, Furet) voit dans la Révolution une tragédie des bonnes intentions : l’élan de 1789, légitime, aurait été perverti par la Terreur, preuve des dangers de l’égalitarisme radical.
  2. Le récit marxiste (Jaurès, Soboul) y décèle une lutte des classes inachevée, où la Terreur fut un outil nécessaire, trahi par la bourgeoisie thermidorienne.
  3. Le récit institutionnel (Rosanvallon, Tilly) souligne les continuités cachées : la Révolution n’a pas tant détruit l’Ancien Régime qu’accéléré sa centralisation, préparant l’État napoléonien.
  4. Le récit psychologique (Le Bon, Taine) explore l’irrationnel des foules, rappelant que les idéaux peuvent engendrer la violence quand la peur et le fanatisme prennent le pouvoir.

Un enseignement en tension

À l’école, cette pluralité se reflète dans un enseignement tiraillé entre deux pôles :
  • La tradition républicaine, héritière de Michelet, célèbre 1789 comme l’acte de naissance de la citoyenneté moderne.
  • L’approche critique, influencée par Furet, insiste sur les ambiguïtés, des massacres de Vendée aux contradictions de la Terreur.

Question ouverte :

Faut-il enseigner la Révolution comme un roman national fondateur ou comme un laboratoire des passions politiques ? La réponse varie selon qu’on y voit un modèle ou un avertissement. Une chose est sûre : son héritage continue de diviser parce qu’il pose une question toujours actuelle : comment concilier liberté et égalité sans sombrer dans la tyrannie ?

Hommage et appel :

Cet article est dédié à mes professeurs d’histoire de lycée qui ont su nous présenter la diversite de ces aspects, même si nous n'étions pas prêt à les entendre.

"Minuit chrétiens" vs "O Holy Night" : Quand deux cantiques de Noël révèlent un clivage religieux et politique

Les cantiques "Minuit, chrétiens" (Placide Cappeau, 1847, France) et son adaptation anglaise "O Holy Night" (John Sullivan Dwight, 1855, États-Unis) partagent une origine commune mais divergent profondément dans leurs visions religieuses et politiques. Ces différences reflètent les contextes culturels et idéologiques distincts de la France républicaine et du monde anglo-saxon protestant. Cette analyse examine les divergences religieuses, les contextes historiques et les visions politiques sous-jacentes.

John Sullivan Dwight
image credit: wikicommons


Différences de Vision Religieuse

1. Nature du Salut

  • "Minuit, chrétiens" : Met l'accent sur un salut collectif et libérateur. Les paroles soulignent la naissance du Christ comme effaçant la "tache originelle" et arrêtant le "courroux" divin, avec une délivrance communautaire ("Peuple, debout ! Chante ta délivrance"). Le Rédempteur brise "toute entrave", symbolisant une liberté spirituelle et sociale, marquée par une fraternité égalitaire ("Il voit un frère où n’était qu’un esclave").
  • "O Holy Night" : Privilégie le salut individuel et spirituel. La phrase "’Til He appeared and the soul felt its worth" met en avant une rédemption personnelle à travers l'apparition du Christ. L'accent est introspectif, incitant à "fall on your knees" dans une démarche d'adoration, avec un salut centré sur l'expérience individuelle.

2. Rôle du Christ

  • "Minuit, chrétiens" : Présente le Christ comme un libérateur défiant les hiérarchies terrestres. Qualifié de "Roi des Rois" né dans une "humble crèche", il humilie les puissants ("Puissants du jour... Courbez vos fronts"). Le Christ est une figure révolutionnaire unissant l'humanité par l'amour ("L’amour unit ceux qu’enchaînait le fer"), en phase avec une théologie de la libération.
  • "O Holy Night" : Dépeint le Christ comme un ami compatissant et un enseignant. Décrit comme le "King of kings" né pour être "our friend" et conscient de "our weakness", il guide vers la foi personnelle et l'amour ("His law is love and His Gospel is Peace"). L'approche est dévotionnelle, axée sur l'humilité et l'adoration.

3. Posture des Fidèles

  • "Minuit, chrétiens" : Appelle à une foi active et participative ("Peuple, debout !"). Les fidèles sont exhortés à se lever et à chanter leur délivrance, reflétant une spiritualité dynamique alignée sur une théologie de l'action collective. L'appel répété à "Chantons le Rédempteur" insiste sur la gratitude et l'engagement communautaire.
  • "O Holy Night" : Encourage une révérence soumise ("Fall on your knees"). Les fidèles sont invités à s'incliner dans l'adoration et à "praise His Holy name", reflétant une piété introspective et calme, typique des traditions protestantes anglo-saxonnes.

Contexte et Vision Politique

1. Contexte Historique

  • "Minuit, chrétiens" : Écrit en 1847 sous la Monarchie de Juillet, à la veille de la Révolution de 1848, le cantique s'inscrit dans un climat de tensions sociales et de poussée républicaine en France. L'abolition de l'esclavage en 1848 et l'héritage des idéaux des Lumières et de la Révolution française imprègnent le texte d'un esprit progressiste, où le christianisme est mobilisé pour soutenir l'émancipation sociale.
  • "O Holy Night" : Adapté en 1855 dans un contexte américain marqué par le mouvement abolitionniste et une forte tradition protestante. Les États-Unis, encore divisés par l'esclavage, voient dans le texte une opportunité d'exprimer une piété chrétienne compatible avec l'ordre établi, tout en soutenant modérément la cause abolitionniste sans remettre en cause les structures sociales.

2. Vision Politique Sous-jacente

  • "Minuit, chrétiens" : Porte une vision égalitariste et anti-monarchiste implicite. L'humiliation des "puissants du jour" et l'appel à l'unité fraternelle ("Il voit un frère où n’était qu’un esclave") reflètent une critique des hiérarchies et une sacralisation de l'égalité, en écho aux idéaux républicains et révolutionnaires. Le Christ est un Rédempteur libérateur, non un roi terrestre, défiant le droit divin des monarques.
  • "O Holy Night" : Adopte une approche conservatrice et modérée. Bien que soutenant l'abolitionnisme ("Chains shall He break, for the slave is our brother"), le texte évite toute critique des hiérarchies sociales ou politiques, se concentrant sur un universalisme chrétien apaisé. L'accent mis sur l'amour fraternel et la paix s'aligne avec une vision qui harmonise la foi avec l'ordre social existant.

Tableau Comparatif Synthétique

Aspect "Minuit, chrétiens" "O Holy Night"
Salut Collectif, libérateur ("brisé toute entrave") Individuel, spirituel ("soul felt its worth")
Rôle du Christ Libérateur révolutionnaire, humilie les puissants Ami compatissant, enseignant de l’amour
Posture des Fidèles Active, debout ("Peuple, debout !") Soumise, à genoux ("Fall on your knees")
Contexte Historique France 1847, pré-révolutionnaire, républicaine États-Unis 1855, protestant, abolitionniste
Vision Politique Égalitariste, anti-monarchiste, progressiste Conservatrice, modérée, harmonisée avec l’ordre

Un chant, deux mondes : la puissance subversive ou apaisante de Noël

L’analyse comparée de Minuit, chrétiens et O Holy Night dévoile bien plus qu’une simple divergence linguistique : elle expose un fossé théologique et politique entre deux civilisations.
  • En France, le cantique de Cappeau devient un manifeste spirituel de l’égalité, où le Christ humilie les puissants et brise les chaînes. Ce texte, né à la veille de 1848, épouse l’esprit républicain : la foi y est un appel à l’action collective, une invitation à se lever – littéralement – pour chanter la délivrance.
  • Dans le monde anglo-saxon, l’adaptation de Dwight transforme le même air en hymne à la soumission pieuse, où l’âme individuelle trouve sa valeur devant Dieu. Le conservatisme protestant y domine : on s’agenouille, on admire, on intériorise.

Une opposition toujours actuelle ?

Ces deux versions reflètent des tensions toujours palpables aujourd’hui :
  • La laïcité française, héritière de 1789, continue de voir dans la religion un potentiel ferment de justice sociale (cf. les chrétiens de gauche).
  • Le protestantisme anglo-saxon, même secularisé, privilégie encore l’expérience personnelle sur la mobilisation collective (cf. le succès des megachurches).
Ultime ironie : ce chant, né dans la France catholique mais popularisé par le protestantisme américain, montre que Noël peut tout autant unir que diviser – selon qu’on l’entende comme un appel aux armes spirituelles ou comme une berceuse pour l’âme.

Écoutez-les côte à côte cette année : vous n’entendrez plus jamais Noël de la même manière.

2025-04-05

Une brève histoire des tarifs douaniers

 

Les tarifs douaniers — taxes sur les importations — ont façonné les économies et les empires pendant des siècles, reflétant l’évolution des conceptions de la richesse, du pouvoir et du progrès. Des politiques mercantilistes d’accumulation d’or aux débats actuels sur les emplois industriels, leur histoire suit les méandres du commerce mondial.

JR Poinsett, pro-tarifs lors de la nullification de 1832


 L’ère mercantiliste (XVIe-XVIIIe siècles)

À l’âge mercantiliste, l’Espagne et la France utilisaient les tarifs et les monopoles pour empêcher l’or et l’argent de quitter leurs frontières, considérant ces métaux précieux comme le fondement de la richesse. La Casa de Contratación espagnole contrôlait strictement le commerce colonial, tandis que Jean-Baptiste Colbert en France — incarnation du « colbertisme » — établissait des manufactures royales pour des produits de luxe comme les tapisseries et le verre, visant l’autosuffisance et le prestige. Les nations protestantes, comme la République néerlandaise et l’Angleterre, penchaient pour l’ouverture, mais avec des limites : la Compagnie néerlandaise des Indes orientales exerçait un pouvoir monopolistique, et les Actes de navigation anglais (à partir de 1651) protégeaient leur marine marchande. Inspirés par l’Espagne et le Portugal, tous les Européens exploitaient leurs colonies, drainant les richesses des Amériques et de l’Asie vers l’Europe, posant ainsi les bases du commerce mondial.


Laissez-faire et le mouvement du libre-échange (fin XVIIIe-XIXe siècles)

Les physiocrates français, comme Vincent de Gournay avec son « Laissez-faire, laissez-passer », diffusent en premier les idées en faveur du libre-échange, mais la noblesse propriétaire terrienne s'y oppose. L’historien John Darwin note que le tournant britannique vers le libre-échange fut motivé par le besoin de gains de productivité pour profiter du commerce avec l’Inde, réduisant l’opposition des élites terriennes au profit des élites commerciales puis industrielles. La Richesse des nations d’Adam Smith (1776) affirme alors que la prospérité ne repose pas sur l’or, mais sur la capacité productive — le travail et le commerce générant des bénéfices mutuels. La théorie de l’avantage comparatif de David Ricardo (1817) renforce cette idée : même les nations moins productives gagnent à se spécialiser et à échanger librement. La Grande-Bretagne, titan industriel, adopta le libre-échange après l’abrogation des Corn Laws en 1846, tirant parti de son avance manufacturière. Les États-Unis, eux, restèrent protectionnistes, protégeant leurs industries naissantes.


Tarifs et développement au XIXe siècle

Le protectionnisme américain, ancré dans l’appel d’Alexander Hamilton en 1791 à protéger les « industries naissantes », stimula l’industrialisation avec des tarifs comme celui de 1828. Ces taxes déclenchèrent aussi des tensions sociales — la crise de la nullification (1832-1833) vit la Caroline du Sud défier les tarifs fédéraux, menaçant presque l’Union. En Allemagne, le Système national de Friedrich List (1841) défendit les tarifs pour créer un marché unifié via le Zollverein (1834), défiant la domination britannique. L’Amérique latine, attachée au libre-échange, exportait des matières premières comme le bœuf argentin sous le « capitalisme comprador » — les élites locales prospéraient, mais les industries ne se développaient pas. L’empereur austro-hongrois, craignant le socialisme, résistait aux chemins de fer et à l’industrie, tandis que la Grande-Bretagne paralysait l’artisanat indien par un libre-échange imposé. Une « première mondialisation » (1870-1914) émergea, portée par les vapeurs et les chemins de fer. L’Ukraine et l’Argentine devinrent des greniers à blé, les découvertes d’or (Californie 1849, Australie 1851, Afrique du Sud 1886) évitèrent la déflation, et des innovations comme la réfrigération et les moteurs diesel lièrent la prospérité aux marchés ouverts.


Les tarifs au XXe siècle

La Première Guerre mondiale mit fin à cet âge d’or, perturbant le commerce par des blocus et accumulant des dettes. Les tentatives d’après-guerre pour restaurer l’étalon-or aux niveaux d’avant-guerre (par exemple, Grande-Bretagne 1925) provoquèrent déflation et récession. La loi Smoot-Hawley aux États-Unis (1930) augmenta les droits de douane à des niveaux records, entraînant des représailles de l’Europe et du Canada, aggravant la Grande Dépression. Une mentalité de somme nulle — visible dans l’autarcie de l’Allemagne nazie — alimenta la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, l’Argentine et une grande partie du tiers-monde décolonisé adoptèrent l’industrialisation par substitution des importations (ISI), utilisant des tarifs pour développer des industries locales, mais celles-ci devinrent souvent peu compétitives, s’essoufflant dans les années 1970. Le système de Bretton Woods (1944) et le GATT (1947) établirent un nouveau cadre commercial, mêlant ouverture et stabilité.


Consensus néolibéral et deuxième mondialisation (fin XXe-début XXIe siècle)

Après la Seconde Guerre mondiale, le Consensus de Washington (1989) raviva la logique de Ricardo : le libre-échange profite au bien-être des consommateurs. La fin de la Guerre froide accéléra ce mouvement, l’OMC remplaçant le GATT en 1995 et admettant la Chine en 2001. L’essor exportateur de la Chine — porté par un fort investissement et une faible consommation — sortit des millions de la pauvreté, mais le dilemme de Robert Triffin (1960) frappa les États-Unis : en tant que monnaie de réserve mondiale, le dollar obligeait l’Amérique à accumuler des déficits commerciaux, érodant sa base industrielle. Cette « deuxième mondialisation » apporta des biens bon marché et des inégalités, souvent en ignorant les coûts environnementaux (par exemple, la pollution chinoise) et l’exploitation de la main-d’œuvre.


Ajustements des taux de change comme alternative aux tarifs

Les tarifs imposent une perte sèche aux importateurs, aussi la dévaluation est-elle souvent préférée pour renforcer la compétitivité. Les fréquentes dévaluations de la lire italienne suscitèrent la colère des partenaires commerciaux, tandis que les États-Unis, plus influents, poussèrent le Japon à renforcer le yen lors de l’Accord du Plaza (1985). Cela imite l’effet d’un tarif, mais répartit le fardeau à l’échelle mondiale, évitant les frictions commerciales directes.


La politique commerciale des États-Unis aujourd’hui (2016-2025)

Depuis 2016, le rapatriement des emplois industriels est un objectif bipartisan aux États-Unis, stimulé par les chocs des chaînes d’approvisionnement (par exemple, COVID-19) et la rivalité avec la Chine. Les progrès sont lents — les emplois manufacturiers sont passés à 13,2 millions en 2023, loin des 17 millions de 1990. En mars 2025, Trump a proposé des tarifs massifs — 10 % sur toutes les importations, 37 % sur les produits chinois — pour relancer l’industrie, au risque de perturber les chaînes de valeur et de provoquer l’inflation. Biden a maintenu certains tarifs (par exemple, sur l’acier chinois), mais l’automatisation limite les espoirs de création massive d’emplois. Le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières (2023) suggère que les tarifs pourraient bientôt cibler le climat, et pas seulement l’économie.


Les tarifs sont un outil politique ancien — utilisé par les rois mercantilistes pour financer des armées, par les seigneurs pour soutenir les prix des céréales, et par les politiciens pour protéger les industries naissantes (Allemagne 1870) ou favoriser des groupes d'intérêts spéciaux (Argentine 1950). Les tarifs généralisés de Trump reflètent une croyance que le marché peut s’adapter à des objectifs politiques comme la préservation de l’industrie, contrairement aux tarifs ciblés servant des intérêts spécifiques (par exemple, les sidérurgistes). Les interventions sur les taux de change nécessitent des accords bilatéraux et sont coordonnées par les ministères des Finances et les banques centrales, offrant une alternative plus subtile, comme vu dans l’Accord du Plaza de 1985. Pourtant, Trump agit unilatéralement pour affirmer l’influence américaine, misant sur les tarifs pour redessiner le commerce.


2025-03-25

La Cathédrale et autres concepts clefs de Curtis Yarvin


 1) Qui est Curtis Yarvin ?

Curtis Yarvin, né en 1973, est un ancien ingénieur en informatique et blogueur américain devenu une figure influente dans les cercles de la droite radicale et technolibertarienne. Cultivant une apparence de révolutionnaire aux cheveux longs à San Francisco, Il est plus connu sous son pseudonyme "Mencius Moldbug", qu’il utilisait pour écrire sur son blog Unqualified Reservations entre 2007 et 2014. Yarvin est le principal instigateur du mouvement néoréactionnaire (ou "NRx"), également appelé "Dark Enlightenment" (Lumières sombres), qui critique la démocratie libérale et prône des formes de gouvernance autoritaires, souvent comparées à une monarchie ou à une structure corporative dirigée par un "PDG national". Il a grandi dans une famille laïque et progressiste, avec des racines juives américaines communistes du côté paternel, et a été influencé par la culture libertarienne de la Silicon Valley dans les années 1990. En parallèle, il est le créateur d’Urbit, une plateforme informatique décentralisée, financée notamment par Peter Thiel.

Curtis Yarvin - source: wikicommons

Yarvin se présente comme un penseur iconoclaste, mélangeant des références historiques, philosophiques et technologiques pour critiquer ce qu’il appelle "la Cathédrale" : un réseau informel d’universités, de médias et de bureaucratie qu’il accuse de contrôler la société américaine via une idéologie progressiste dominante.


 2) Les noms des penseurs et idées qui l'ont influencé

Yarvin puise dans un éventail de penseurs et de traditions intellectuelles, souvent réinterprétés à sa manière. Voici les principaux :

  • Thomas Carlyle : Ce philosophe du XIXe siècle, connu pour son conservatisme et sa défense de l’ordre hiérarchique, a profondément marqué Yarvin. Carlyle voyait la démocratie comme chaotique et prônait une autorité forte, une idée que Yarvin reprend dans son rejet du libertarianisme pur pour une vision plus autoritaire.
  • Ludwig von Mises et Murray Rothbard : Ces figures de l’École autrichienne d’économie et du libertarianisme ont influencé Yarvin dans sa jeunesse, notamment via leur critique de l’État interventionniste. Cependant, il s’en est éloigné en adoptant une position plus autoritaire.
  • Hans-Hermann Hoppe : Disciple de Rothbard, Hoppe a écrit Democracy: The God That Failed, où il critique la démocratie et défend des systèmes hiérarchiques. Yarvin cite explicitement ce livre comme une étape clé dans son évolution intellectuelle.
  • James Burnham : Cet ancien trotskiste devenu conservateur, auteur de The Managerial Revolution, a inspiré Yarvin avec sa vision d’une élite technocratique dominant la société, un concept que Yarvin adapte à ses idées de gouvernance centralisée.
  • Niccolò Machiavelli : Yarvin s’inspire de la realpolitik de Machiavel, notamment dans sa vision pragmatique du pouvoir et son rejet des idéaux démocratiques au profit de l’efficacité.

En termes d’idées, Yarvin mélange le libertarianisme (liberté individuelle, méfiance envers l’État bureaucratique) avec des notions réactionnaires (rejet de l’égalitarisme, nostalgie de systèmes prémodernes comme la monarchie). Il rejette l’empirisme au profit d’une approche déductive, influencée par l’École autrichienne, et utilise des métaphores technologiques pour conceptualiser la politique (ex. : la société comme un "système d’exploitation" à "redémarrer").

 3) Quels sont ses articles les plus connus ?

Yarvin a écrit des centaines d’articles sur Unqualified Reservations et, plus récemment, sur son Substack Gray Mirror. Voici quelques-uns de ses textes les plus emblématiques :

  • An Open Letter to Open-Minded Progressives" (2008) : Une série d’essais où il expose sa critique de la démocratie et du progressisme, introduisant des concepts comme "la Cathédrale" et plaidant pour un retour à des systèmes hiérarchiques.
  • "A Gentle Introduction to Unqualified Reservations" (2007) : Un texte d’entrée qui résume sa vision néoréactionnaire, critiquant la légitimité de la démocratie moderne et proposant des alternatives autoritaires.
  • "The Cathedral" (2008 et séries associées) : Une série d’articles où Yarvin développe son concept clé de "la Cathédrale", décrivant un système de pouvoir informel composé d’universités, de médias et d’élites culturelles qui, selon lui, impose une orthodoxie progressiste et manipule l’opinion publique. Ce terme est devenu central dans le lexique néoréactionnaire.
  • "Patchwork: A Political System for the 21st Century" (2008) : Ici, Yarvin imagine un monde fragmenté en petites entités souveraines gérées comme des entreprises, une idée centrale de son "néocaméralisme".
  • "How to Reboot the US Government" (2012) : Cet article introduit le concept de "RAGE" (Retire All Government Employees), une proposition radicale pour démanteler la bureaucratie fédérale et centraliser le pouvoir sous un exécutif fort.
  • "The Clear Pill" (série sur Gray Mirror, 2020s) : Une tentative plus récente de "désenchanter" ses lecteurs en déconstruisant les illusions de la démocratie et en plaidant pour une gouvernance rationnelle et autoritaire.

Ses écrits sont souvent longs, denses, truffés de références historiques et d’ironie, ce qui les rend à la fois fascinants pour ses partisans et difficiles à aborder pour les non-initiés.

 4) Quels sont les noms des personnes qui ont été influencées par lui ?

Les idées de Yarvin ont trouvé un écho auprès de figures influentes, notamment dans la Silicon Valley et la droite trumpiste. Voici les principales :

  • J.D. Vance : Vice-président élu des États-Unis (2025), Vance a cité Yarvin explicitement dans un podcast en 2021, reprenant l’idée de "RAGE" pour suggérer que Trump devrait licencier les bureaucrates fédéraux et les remplacer par des loyalistes. Il l’a appelé un "ami" et partage sa méfiance envers les institutions démocratiques.
  • Peter Thiel : Milliardaire et investisseur, Thiel a financé Urbit via son fonds Founders Fund et a qualifié Yarvin d’historien "puissant". Ses idées anti-démocratiques résonnent avec la vision de Yarvin d’un pouvoir technocratique.
  • Marc Andreessen : Le capital-risqueur et cofondateur de Netscape a exprimé son admiration pour les écrits de Yarvin, notamment sur la bureaucratie et la gouvernance. Il est un conseiller informel de Trump et partage des affinités avec le néocaméralisme.
  • Steve Bannon : Ancien stratège de Trump, Bannon a lu et admiré Yarvin, bien qu’il se soit distancié de lui plus tard. Les deux partagent une critique des élites progressistes et une fascination pour le pouvoir centralisé.
  • Michael Anton : Haut responsable du Département d’État sous Trump (nommé en 2025), Anton a discuté avec Yarvin de l’idée d’un "César américain" sur un podcast en 2021, montrant une influence directe.
  • Blake Masters : Candidat républicain au Sénat en 2022 (soutenu par Thiel), Masters a également repris des éléments de la pensée de Yarvin, notamment sur la nécessité de "rebooter" le gouvernement.

En outre, Yarvin a influencé une génération de jeunes conservateurs et de "staffers" dans l’administration Trump, souvent qualifiés de "vanguardistes révolutionnaires" ayant grandi en lisant ses blogs. Son impact est également visible dans des cercles en ligne comme les "groypers" et certains segments de la Nouvelle Droite.

 Conclusion

Curtis Yarvin est une figure polarisante : pour certains, un visionnaire qui dénonce les failles de la démocratie ; pour d’autres, un provocateur dangereux flirtant avec l’autoritarisme et des idées controversées sur la race et la hiérarchie. Son influence, autrefois limitée aux marges d’Internet, s’est étendue jusqu’aux couloirs du pouvoir à Washington et aux élites technologiques de la Silicon Valley, notamment avec la réélection de Trump en 2024. Ses écrits, bien que non conventionnels, continuent de susciter débat et fascination.

2025-02-24

La Fable des Abeilles: Mandeville et le Consommateur Keynesien

Bernard de Mandeville est un philosophe, économiste et satiriste anglo-néerlandais (1670-1733). Il publie la Fable des Abeilles en 1705 peu après la création de la banque d'Angleterre, au début du siècle qui allait bientôt voir le papier monnaie du système de Mr Law.

Bernard de Mandeville, credit: wikicommons

La Fable des Abeilles

Le poème décrit une ruche d'abeilles qui prospère grâce à l'égoïsme, à la vanité, à la cupidité et à d'autres vices de ses membres. Chaque abeille, en poursuivant ses intérêts personnels, contribue involontairement au bien-être collectif de la ruche. Par exemple, les abeilles vaniteuses dépensent de l'argent pour des biens de luxe, ce qui stimule l'économie. Les avocats et les politiciens, bien que motivés par l'ambition et la corruption, maintiennent l'ordre et la structure sociale.

Cependant, un jour, les abeilles décident de devenir vertueuses et de renoncer à leurs vices. Elles adoptent l'honnêteté, la modestie et l'altruisme. Paradoxalement, cette transformation morale entraîne la ruine de la ruche. Sans la consommation de luxe, les industries s'effondrent, le chômage augmente et la prospérité disparaît. La ruche devient pauvre et faible.

Thèmes principaux :

  • Le paradoxe des vices : Mandeville soutient que les vices individuels, comme l'égoïsme et la cupidité, peuvent avoir des effets bénéfiques sur la société dans son ensemble. Ces comportements stimulent l'économie et favorisent le progrès.
  • La critique de la vertu absolue : Il remet en question l'idée que la vertu morale pure est toujours bénéfique. Selon lui, une société entièrement vertueuse pourrait être économiquement stagnante.
  • L'importance de la consommation : Mandeville met en avant l'idée que la consommation de biens, même superflus, est essentielle pour maintenir une économie dynamique.

Conclusion

Mandeville est peut-être un précurseur de Keynes, dans son célèbre article contre l'austérité et pour la relance en cas de récession ou de dépression.

Mandeville avait aussi suggéré que les pauvres ne doivent surtout pas s'enrichir, sans quoi ils cesseraient de travailler. Il convient donc que tous dépensent et s'endettent si besoin est pour stimuler l'économie.



2025-01-27

Un Systeme Bancaire fragile à dessein selon Calomiris et Haber

Charles Calomiris et Stephen Haber sont des professeurs spécialistes de la politique et l'histoire du système bancaire. En 2014, ils publient Fragile à dessein, un livre dans lequel ils explicitent le rôle du système bancaire dans le financement de l'État, le fléchage de l'investissement et l'accès a des prêts à taux bonifiés par des groupes d'intérêt spéciaux.

Alexander Hamilton


Le jeu de la banque

  • Le jeu de la banque est intrinsèquement trop risqué pour que le crédit se développe de manière significative.  
  • Ce n'est que par la création de chartes bancaires ou l'attribution de prébendes et de monopoles par l'État que la banque se développe et finance l'État moderne. La charte de la banque d'Angleterre en est le meilleur exemple.
  • La banque a besoin d'un système légal et de droits de propriété pour ne pas se faire voler par ses créditeurs, par l'État, ou par son élite dirigeante.
Le système bancaire évolue en fonction de la structure du pouvoir :
  • systèmes autocratiques forts, le risque de confiscation par l'État est fort, et l'élite dirigeante sert les intérêts spéciaux proches du pouvoir. Les actionnaires minoritaires et les déposants ne veulent pas apporter de capital, car la répression financière est forte et le risque n'est pas rémunéré. On pense a de nombreux pays sous-développés.
  • systèmes autocratiques faibles ou oligarchiques ou l'État n'a pas beaucoup de pouvoir, l'inflation est utilisée pour financer la dépense publique, alors que des congères oligarchiques organisent une confiscation dont elles gardent le bénéfice. On pense à des pays où l'inflation est endémique. 
  • systèmes démocratiques libéraux, qui ont de nombreux contrepoids de pouvoir et un système légal qui protège les droits de propriété personnelle, le système bancaire se développe le plus, même si cette protection tend a créé des intérêts spéciaux a tendance oligarchique. On pense à la banque proposée par Alexander Hamilton.
  • Systèmes démocratiques populistes, dans lequel un prince se fait plébisciter par le peuple avec la promesse de redistribuer la richesse vers le grand public. On pense à la banque vue par Andrew Jackson, aux garanties de l'État sur les prêts immobiliers et aux prêts sans recours légal. Une alternative au système populiste capitaliste est un système collectiviste ou les prêts aux étudiants, au logement ne sont plus nécessaires parce que l'État prend le contrôle de ces secteurs, ce qui est le cas en Europe.

Banque et État

La charte bancaire est nécessaire a l'État moderne. Le Costa-Rica n'a pas d'armée, mais il a une charte bancaire. Le Koweït ne prélevé aucun impôt, mais a une charte bancaire. La Somalie n'avait plus de banque entre 1990 et 2011, mais l'État s'est effondré. 

Si comme le note Tilly, l'État fait la guerre et la guerre fait l'État en Europe entre 1100 et 1500, à partir de 1600, l'État commence à réguler les banques par l'octroi de monopoles, de chartes. 

L'Écosse du 18ᵉ siècle donne l'exemple de banques commerciales les plus libres, tandis que la charte de la banque d'Angleterre qui donne un monopole à celle-ci, vise à extraire le financement nécessaire aux guerres contre la France de 1688 à 1815. Le retour au standard or prendra 10 ans, et ce ne sera que par des réformes de 1825 à 1860 que le système bancaire prive pourra se développer en Angleterre, alors que la banque d'Angleterre combattait la déréglementation par une politique de crédit sur accommodatrice qui cause 10 crises en 35 ans. En fait, le système bancaire Anglais n'atteindra son apogée qu'avec la deuxième globalisation sous Margaret Thatcher, alors que le système bancaire américain était encore trop petit.

L'État décide qui a le droit d'ouvrir une banque, à qui il peut donner son crédit, et à quelles conditions. Il peut egalement décreter que sa dette est la moins risquée et forcer la banque a déposer ses liquidités à la banque centrale. Décider de qui obtient les crédits et à quels prix est une manière de distribuer les ressources qui est moins évidente que la redistribution par l'impôt. Plus encore, les crises permettent de aux regulateurs de décider dans l'urgence et dans l'arbitraire qui va supporter les pertes extraordinaires que la fragilité du système ne manquera pas de causer.

Les pays ne choisissent par leur système bancaire, ils ont le système bancaire qui correspond à leur régime politique.

Quelques Données Factuelles

  • Un système de crédit est corrélé avec le développement économique. Depuis les années 90, les économistes ont établi que la causalité va du crédit vers le développement. 
  • La taille du secteur bancaire augmente avec le niveau de revenu, on observe toutefois de fortes disparités liées à des institutions maladaptées dans certains pays.
Les auteurs recensent les crises bancaires systémiques (plus que la faillite de quelques banques). En excluant les ex-pays communistes et les pays de moins de 250 mille habitants, on observe :
  • Crise fréquente et très peu de crédit : Tchad et Congo
  • Crise fréquente et peu de crédit : Argentine, Bolivie, Brésil, Cameroun, CAR, Colombie, Costa Rica, Équateur, Kenya, Mexique, Nigeria, Philippines, Turquie, Uruguay. (Seuls la Bolivie et le Costa Rica ont des régimes démocratiques stables depuis 1970)
  • Il semble y avoir un lien entre régimes autoritaires et un système bancaire peu développé.
  • Les 6 pays développés qui n'ont pas eu de crise : Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Malte, Hong Kong, Singapour. Ces pays ont un État de droit fort garanti par le common law. Les institutions donnent lieu à plus de contre-pouvoirs que la démocratie populiste américaine.
  • Les pays développés qui ont eu plus d'une crise récente sont l'Espagne, la Suède, et les États-Unis.

Les États-Unis et le Canada


Le système bancaire se développe autour des villes du nord-est de Boston, New York, Baltimore de l'indépendance à 1820. A partir de la, les États-Unis ruraux dominent politiquement. La transition se fera sous la pression du suffrage universel, entre l'élection volée par Adams et Clay en 1824 au populiste Andrew Jackson, et l'élection de ce dernier en 1828. La BNA (banque d'amerique du nord) puis la BUS (banque des Etats-Unis) auront une charte federale. Cette derniere ne sera pas reconduite en 1811, et la deuxieme BUS ne sera pas reconduite en 1834.

À partir de là, les banques sont astreintes à un État et ne pas avoir de branche, ce qui empêche toute diversification du risque et toute économie d'échelle. Les agriculteurs acceptent cette inefficacité du système comme le prix d'un accès durable au crédit : la banque ne coupe pas le financement des producteurs de mais ou de soja quand tous les gros clients dans une ville en sont producteurs.

Contrairement aux États-Unis populistes depuis 1824, la couronne britannique, au 18ᵉ siècle, doit faire face à une population catholique francophone majoritaire au Canada. D'autres régions sont créées afin de diluer le pouvoir du Québec. Le Sénat qui contrôle les réglementations financières est nommé par le souverain. Le Canada est donc une démocratie libérale (ce qui signifie pour l'auteur que le pouvoir de la majorité fait face à de nombreux contre-pouvoirs), ce qui empêche des choix maladaptés concernant les banques.

De ce fait, les banques canadiennes n'ont pas eu de crise depuis 3 siècles alors que le système américain a connu 17 crises. Suite à la crise de 1907, la commission américaine aux affaires financière de 1910 a publié trois livres sur le système canadien et comment il évite les crises. Cependant, la décision après les commissions de 1910 ne sera pas de rationaliser le système parce que les intérêts politique au congrès ne le permettraient pas, mais de créer la réserve fédérale. 

L'Amerique urbaine reprend l'ascendant politique au 20ᵉ siècle. Les changements de réglementation sont nécessaires pour faire face a la deuxième globalisation après 1980. Ces réformes ne polarisent pas une opposition partisane Démocrates/Républicains, mais une opposition ville/campagnes. Les Démocrates favorisent les villes et la consolidation bancaire. Les présidents Républicains doivent aussi la favoriser pour remporter les élections de la Floride et l'Ohio. 

Le système bancaire américain est centré autour de la Caroline du Nord parce que les banques de l'État y avaient le droit de se regrouper et d'ouvrir des branches, elles avaient donc de l'avance. Les crises du savings and loans de 1980 permettent à ces banquiers de suggérer aux FDIC et aux régulateurs de permettre à ces banques solides de reprendre des opérations dans d'autres États.

La consolidation des banques américaines se fait entre 1980 et 1992, puis de 1992 à 1997. On note que des lobbys locaux sont invités à proposer plus de dérégulation à la Fed, alors que les banques promettent à ces groupes de prêter 900 milliards. 

De 1990 à 2007, le congrès s'allie à ces groupes pour flécher par des mesures populistes l'accès au crédit. Il demande aux agences sponsorisés par l'État, Fannie Mae et Freddie Mac d'étendre le rachat de crédit immobilier de moins en moins solvable. Cela permet aux banques d'étendre le crédit bien au-delà de ce qui est financièrement responsable. 

On en arrive a la conclusion que la banque est un système mal géré aux États-Unis, que cela est connu depuis le 19ᵉ siècle, mais que le congrès préfère arranger les choses d'une manière sous-optimale et moins prudente.

Conclusion

Ce travail de recherche concernant le système bancaire est motivé pour tirer les leçons de la grande crise financière de 2007. Les auteurs font une distinction entre autocratie et démocratie, puis entre démocratie libérale au sens défini au 18ᵉ siècle dans lequel l'État de droit limite la tyrannie de la majorité comme au Canada ou le Sénat est nommé par le souverain, et démocratie populiste, qui selon eux a pris le pouvoir aux États-Unis entre 1810-1828. 

En régime populiste, les crises sont causées par des accords conclus entre les politiciens populistes et les banquiers. Selon les auteurs, la crise de 2007 est la conséquence de la loi signé par G Bush Sr en 1992 peu avant l'élection pour étendre le crédit immobilier sans apport, a des personnes sans revenu suffisant en imposant aux agences d'assumer ces prêts, qu'elles pouvaient sécuriser et revendre aux banques avec un crédit AAA.
 

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