2024-02-23

Paradis et Puissance: le double standard, selon Robert Kagan

Suivant mon billet revoyant Apres l'Empire par Emmanuel Todd au sujet des Etats-Unis, je revois un des textes fondateurs du néo-conservatisme. Puissance et Faiblesse de Robert Kagan, a du succès et l'article sera adapté en livre : "du Paradis et de la Puissance".  Il décrit la divergence de la vision stratégique Américaine et Européenne avant la seconde guerre en Iraq en 2002. 

Double Standard: Bombe à sous-muniution americaine

Les paragraphes ci-dessous reprennent certaines pensees de Kagan telles qu'ils les exprime en 2002. Nous ferons quelques remarques en conclusion.

Introduction

  • Les européens favorisent le dialogue et évitent la force. Ils sont plus patients en politique étrangère. L'Europe est entre après 1945 dans un paradis de "Paix Perpétuelle" Kantienne
  • Les américains vivent toujours dans un monde Hobbesien dans lequel l'homme est un loup pour l'homme et un État puissant permet d'assurer la paix et la justice.
  • Pour Kagan, paraphrasant un best-seller de John Gray de 1998, "les américains sont de Mars, les européens de Vénus".
  • Il n'en a pas toujour été ainsi: la Machtpolitik était éminemment européenne au moins jusqu'en 1914.

L'écart de puissance : Perception et Réalité

  • L'Europe est faible militairement depuis 1945. L'Europe dépense moins de 2% de son PIB pour son budget militaire. Les États-Unis dépensent plus de 3%.
  • L'unification du traité de Maastricht était censée créer une nouvelle puissance. Il est devenu évident avec la guerre dans les Balkans que l'Europe est incapable de projeter une puissance militaire.
  • Depuis 1989, les interventions militaires des États-Unis se multiplient et sont plus nombreuses que pendant la guerre froide. Cela est dû à l'absence de contre-pouvoir et à de nouvelles technologies de missiles qui permettent aux États-Unis d'intervenir à distance plus souvent sans presence de troupes.
  • L'Europe pense que les États-Unis sont trop enclins à la confrontation. Ce constat ne touche pas seulement les Republicains. Les démocrates, s'ils sont plus timides, veulent tout de même  bombarder l'Iraq sous Clinton.

La psychologie de la puissance et de la faiblesse

  • Le problème n'est donc pas lié au parti du président, que ce soit Bush Junior ou Clinton, il est fondamental.
  • Les pays faibles ont toujours intérêt à dévaloriser la force. Les Européens appellent à des mesures multilatérales, car elles permettent une action à moindre cout. 
  • Pour les américains, l'action unilatérale préserve leur liberté d'action
  • Les États-Unis sont un Béhémoth avec une conscience, contrairement à la France de Louis XIV qui ne connaissait que la "Raison d'Etat".
  • Certains européens remarquent que les États-Unis ne tolèrent aucune menace hypothetique, et seraient par là même la principale menace dans le monde.
  • L'analogie la plus connue de l'article: un homme arme d'un couteau dans un bois où se trouve un ours cherchera à l'éviter, un homme avec un fusil ira le confronter.
  • Les États-Unis se comportent comme un shériff du Far West et les Européens, comme le propriétaire du saloon. Le propriétaire est parfois ennuyé quand le shériff cause des problèmes avec des brigands qui étaient venus pour consommer.
  • Les États-Unis sont beaucoup plus menacés que les Européens, à cause de leur rôle de shériff.

Les origines de la politique étrangère européenne moderne

  • Joschka Fischer, ministre des affaires étrangères allemand : Le cœur du concept d'Europe après 1945 était et est toujours un rejet du principe européen de l'équilibre des puissances et des ambitions hégémoniques des États individuels qui avaient émergé après la paix de Westphalie en 1648. 
  • Dans le monde postmoderne, écrit le diplomate anglais Robert Cooper, la raison d'État et l'amoralité des théories de Machiavel sur l'art de gouverner [...] ont été remplacés par une conscience morale.
  • George F. Kennan a supposé que seuls ses compatriotes américains naïfs avaient succombé à de telles fantaisies légalistes et moralistes wilsoniennes, et non à ces Machiavel européens éprouvés par la guerre et à l'esprit historique
  • Le but de l'intégration Européennes était l'abolition de la Machtpolitik et la solution du "problème allemand". 
  • Cette résolution du problème allemand ne provient d'un choix délibéré des Européens, mais de la destruction violente de l'Allemagne Nazie dans laquelle les américains ont joué "un rôle central".
  • Le lion Allemand et l'agneau Français dorment maintenant paisiblement ensemble. Les européens ne veulent pas penser d'autre mode de fonctionnement. [de manière inquietante, Kagan semble se réferrer a Apocalypse 5:5-6 plutot qu'a Esaie 11:6]
  • L'Europe fait face à des questions de politique intérieure qui lui semblent bien plus préoccupantes que les questions de politique étrangère. 

La réponse des États-Unis

  • La création européenne est une création américaine de Dean Acheson qui voulait un contrepoids aux soviets.
  • C'est un phénomène nouveau : en 1940, pour FDR, la question était d'éliminer la capacité stratégique de l'Europe, cet incubateur surchauffé de guerres mondiales. Pour Eisenhower, l'objectif est le même avec la décolonisation et l'affaire de Suez. La faiblesse de l'Europe est voulue par les États-Unis.
  • L'Europe est arrivée à la fin de l'histoire et au paradis Kantien parce que les États-Unis ne l'ont pas suivi.
  • Le défi du monde postmoderne, affirme Robert Cooper, est de s'habituer à l'idée de deux poids, deux mesures. Entre eux, les Européens peuvent opérer sur la base de lois et d'une sécurité coopérative ouverte. Mais lorsqu'il s'agit du monde en dehors de l'Europe, nous devons revenir aux méthodes plus brutales d'une époque antérieure – la force, l'attaque préventive, la tromperie, tout ce qui est nécessaire. C'est le principe de Cooper pour la sauvegarde de la société :  Entre nous, nous respectons la loi, mais lorsque nous opérons dans la jungle, nous devons également utiliser les lois de la jungle. 
  • Les États-Unis doivent eux s'occuper des "Saddam, Ayatollah, Kim Jung Il, et Jiang Zemin" du reste du monde.

Une division acceptable ?

  • La division des taches est supportable pour les États-Unis, les 3% de leur PIB de dépenses militaires sont moindres que les 7% qu'ils dépensaient en 1980.
  • Les Américains n'ont jamais imposé leurs idéaux que par la force. Wilson voulait d'une guerre pour finir toutes les guerres, FDR pensait pouvoir éviter la guerre, mais après arrive Munich et Pearl Harbor.
  • Les États-Unis doivent refuser les règles et les traités contraignant pour pouvoir combattre suivant les règles de la jungle et en suivant un double standard.
  • Il faut éviter trop de divergence et encourager les Européens à s'armer et à collaborer avec les forces américaines. 
  • Les américains doivent être plus multilatéraliste : la déclaration d'indépendance de 1776 ne promettait-elle pas "un décent respect pour l'opinion de l'humanité".

Conclusions

Le Double Standard et la Loi de la Jungle

L'article ci-dessus justifie les guerres des États-Unis et propose un "double standard" comme principe unificateur du néo-conservatisme. Le réalisme originel du traité de Westphalie qui suppose une relation entre égaux des Etats et la non-intervention est refuté, en invoquant "Munich et Pearl Harbor". 

Le journaliste conservateur Rod Dreher critiquait l'ensemble des néo-conservateurs en disant qu'ils sont moins ouverts que George Kennan, et ne retiennent de l'histoire que le traité de paix de Chamberlain à Munich en 1938. On entend des critiques similaires de la part de John Mearsheimer, Jeffrey Sachs et Emmanuel Todd.

L'ours de Kagan est devenu légendaire, mais il déshumanise l'opposant. S'il est juste pour un Américain de tuer tout animal dangereux, quelle conduite doit-il adopter quand l'homme est de loin l'animal le plus dangereux ?

Les cartels de mauvaise gestion

Quel est l'objectif ultime de cette double-pensée? Kuehnelt-Leddihn a élaboré une interprétation cynique au lendemain de la première guerre mondiale : les États-Unis sont une ochlocratie qui cherche à ce qu'il n'y ait pas d'alternative avec des États mieux gérés et moins violents. Wilson redécoupe les empires Allemands, Austro-Hongrois et Ottoman en états-nations instables à son image. Selon cette vue, la SDN puis l'OECD sont des cartels de mauvaise gestion. Cette vue a été démentie par le développement de l'Europe et du Japon après 1945 qui est interpretée comme une preuve de la bienveillance des Etats-Unis. Elle redevient d'actualité en 1970, après la guerre du Vietnam, le conflit israelo-arabe et le suicide demographique de l'occident. On la voit ressurgir en 2001 sous la plumme d'un autre autrichien, Hans Herman Hoppe dans Démocratie, le Dieu qui a échoué.

Tout comme il était plus pardonnable d'être Staliniste en 1936 qu'en 1953, les arguments du "Béhémoth avec une conscience" et de "la nation indispensable" étaient plus crédibles entre le plan Marshall et la chute du mur de Berlin en 89 que 10 ans plus tard, quand Madeleine Albright appelle à bombarder l'Iraq. Si le "double standard" humanitaire mis en œuvre en Palestine depuis 1948 ne semble pas avoir amélioré les choses pour les populations locales, eut-il été hatif de préjuger en 2002 des conséquences du double standard en Iraq? 

En 2004, il me semblait que ceux qui soutenaient la guerre des Etats-Unis en Iraq le faisaient non parce qu'ils croyaient que cela apporterait la paix et la démocratie, mais par patriotisme pour les Etats-Unis. Il s'agissait d'afficher un "soutien inconditionel". Si l'on sait que bombarder l'Iraq n'a pas contribué a la paix au Moyen-Orient, on n'observe pas de remise en question de la politique unipolaire.

La doctrine Brejnev

Lors d'une interview récente, l'ex-ambassadeur Américain Jack F. Matlock explique que la doctrine Brejnev de l'Union Sovietique était de faire pression économiquement et d'intervenir militairement lorsque le socialisme était menacé. Les Russes ont annoncé aux américains qu'ils l'abandonnaient en 1989. Lors de la révolution Roumaine, le diplomate Russe furieux annonce le 24 décembre aux Americains qui envahissent Panama. qu'ils peuvent garder la doctrine Brejnev en cadeau de Noel.  Selon Matlock, "la Fin de l'Histoire" de Fukuyama devient la doctrine qui justifie de faire pression et renverser par la force les pays qui ne sont pas soumis, alors qu'avant, la justification était de contenir la menace communiste.

Le mur de l'argent

L'objectif d'un système est ce qu'il fait. Tout comme l'acier d'excellente qualité de Carnegie cherchait de nouveaux débouchés en 1880 apres la construction du chemin de fer transcontinental quand Alfred Mahan publie sa théorie de suprématie navale qui justifie la course aux armements, Kagan parle en 2002 avec appétit d'augmenter les 500 milliards annuels de la "défense" américaine.

Le formidable budget de la défense est passé à 800 milliards par an. Pour 800 milliard par an  selon wikipedia (ou peut-être en fait 1300 milliards selon usaspending.gov) on peut amplement payer un ou deux scribouillards pour justifier plus de dépense. Le néoconservatisme parait être l'idéologie la mieux adaptée à l'augmentation de la dépense d'armement américaine.

Mission Accomplie en 2003

Soutenir les intérêts nationaux par la force 

Par-delà cet appel pour l'Europe à utiliser deux poids deux mesures en Iraq, en Iran et en Chine, il y a peut-être aussi chez les neo-conservateurs une forme de "double-pensée". Le fait d'être la "nation indispensable" ferait que ses intérêts économiques doivent être préférés - pour des raisons idéalistes - à ceux des autres peuples. On retrouve cela dans l'ouvrage Elbridge Colby qui, au ministère de la défense Américain a organisé la politique anti-Chine en 2018 dans son livre en 2021. Selon Colby, la "défense de la liberté" implique aussi de défendre les intérêts économiques américains nécessaires à la prospérité de sa population et la stabilité de son régime. La ligne devient fine entre l'intervention qui soutient les intérêts de la nation par des bombardements et des sanctions et celle qui attaque les intérêts des autres.

L'attaque de la Chine et de la Russie est un plus gros morceau, on peut lire Anne Applebaum et Michael McFaul concernant la Russie, Elbridge Colby concernant la Chine. Le magazine Barron's indique que la performance des actions du secteur militaire americain est bien faible comparée au niveau de tension. Les 1300 milliard de budget de défense ont peut-etre causé une indigestion pour ce secteur, ce qui pourrait présager d'une acalmie passagère.


2024-02-22

Apres l'Empire selon Emmanuel Todd

Emmanuel Todd est un démographe et sociologue Français qui théorisa la chute de l'Empire soviétique en 1976 sur la base des données d’espérance de vie et de mortalité infantile qui se détérioraient.

Todd a publié trois livres qui tentent des analyses à long-terme sur la base de la supériorité de la démographie sur l'économie. Il vient de publier un livre qui s'intéresse à l'Europe : La Chute de l'Occident. 

En 2002, il publie un ouvrage semblable : Après l'empire, qui note des points similaires concernant les États-Unis, mais opposés sur l'Europe et la Russie, qui, selon lui, avaient tout intérêt à se rapprocher politiquement.
USS Gerald Ford : une illustration de la force de projection américaine (credit: wilicommons)


Il est difficile de prévoir quoi que ce soit en géopolitique. En 21 ans depuis que ce livre est paru, il semblerait que l'Europe et le Japon aient pris une trajectoire différente des prévisions de Todd. 

Le Mythe du Terrorisme Universel et La Menace de la Démocratie

  • Du Pérou au Soudan, de l'Afghanistan à la Serbie, les États-Unis étaient là pour vous protéger du communisme, ils vous protégeront désormais de la menace de l'islam radical.
  • Il y a là une révolution culturelle : quand l'alphabétisation passe de 20% à 60%, des mouvements politiques violents accompagnent souvent ces changements.
  • La transition démographique n'est pas loin, mais avant cela, une population jeune est une source d'instabilité et de violence politique
  • Todd prévoit une instabilité pour l'Arabie Saoudite et le Pakistan
  • On peut espérer au mieux une transition hystérique suivie d'une normalisation démocratique

Dimension Impériale

  • Les États-Unis contrôlent la monnaie de réserve. Cela implique un déficit structurel pour que les autres pays puissent se constituer des réserves.
  • On assiste à la destruction du tissu industriel Américain depuis 1945, et l'hypertrophie du secteur tertiaire.
  • Une armée est maintenue pour garantir l'accès au secteur primaire et secondaire des autres pays du monde.
  • Les inégalités s'accroissent avec les dividendes de la paix.

Madeline Albright: pour bombarder l'Iraq (credit: wikicommons)

"Mais si nous devons utiliser la force, c'est parce que nous sommes l'Amérique ; nous sommes la nation indispensable. Nous nous tenons debout et nous voyons plus loin que d'autres pays dans l'avenir, et nous voyons le danger qui nous guette tous."
-- Madeleine Albright parlant sur NBC en 1998.

La Fragilité du Tribut

  • L'Amérique ne produit plus, les importations sont en forte hausse depuis 1997.
  • S'agit-il d'un modèle Athénien ou Romain ? L'hégémonie dans la ligue de Délos s'exprime pleinement lorsque l'apport volontaire de contribution à Délos devient un tribut exigé sous menace par Athènes.
  • Modèle impérial Romain : l'accumulation de richesse conduit à l'inégalité et a la transition de la République à l'Empire. La population est séparée en élite patricienne et de plèbe parasitique qui ne fait que consommer, "panem et circenses".
  • Le budget militaire est réduit de 30% suite à la fin de l'Union Soviétique entre 1991 et 1998. À partir de 1999 et donc avant le 11 septembre. Le gouvernement de Bush décide d'augmenter massivement son budget militaire.
  • Selon Keynes, deux peurs de l'investisseur, sont : 1) tout perdre, 2) ne pas investir avec un rendement suffisant.
  • La consommation est compensée par des flux d'investissement. Les actions et les obligations américaines sont alternativement les chéries des investisseurs étrangers. 

Confronter les forts ou attaquer les faibles ?

Les 3 axes de la décadence : Idéologie, Économie, Militaire
  • Idéologie : alors que les anthropologues anglo-saxons étaient reconnus pour leur tolérance des mœurs différentes au 19e siècle qui semble culminer avec Evans-Pritchard dans les années 30, les NGOs Américains sont devenus des féministes forcenés qui en sont à distribuer des bons points aux sociétés matriarcales en Afrique et à exiger des quotas de femmes comme priorité pour la politique Afghane. Les États-Unis ont perdu leur universalisme et imposent un agenda ultra-féministe qui ne correspond pas aux autres cultures mondiales.
  • Économie : L'ouvrage est écrit avant le pétrole de schiste, alors qu'un pic de production conventionnelle en Amérique est clair. L'approvisionnement en Pétrole du Moyen-Orient est essentiel pour l'Europe et le Japon, moins pour les États-Unis qui néanmoins sont très présents sur ce théâtre parce que les armées des pays musulmans sont faibles.
  • Militaire : la faiblesse des troupes américaines au sol est connue. Les américains ne peuvent combattre qu'avec la supériorité aérienne. Il s'agit de combattre des puissances mineures comme l'Iraq, l'Iran, en insistant sur le fait que le monde est un endroit dangereux et qu'il a besoin des États-Unis pour le policer. 
Ces trois aspects conduisent les États-Unis à toujours s'attaquer à des pays musulmans : par idéologie, par obsession pour le pétrole, et pour la facilité d'obtenir une supériorité militaire dans la région. 

Le plan Bzrezinski qui consistait à isoler la Russie et à lui prendre l'Ukraine se diffuse en refusant la normalisation avec l'Iran et la Chine. Il n'y a pas de pensée stratégique Américaine, la politique suit la ligne de plus forte pente comme un gros rocher qui déboule de manière incontrôlée et écrase tout en roulant.

Au lieu d'être un Bismarck qui isole la France diplomatiquement, qui est vue par tous les autres comme une revancharde, Washington se comporte comme un Guillaume II : la Russie, l'Iran, la Chine sont toutes trois attaquées, et forment une coalition anti-hégémonique. 

Le retour de la Russie

  • La Russie est un pays encore violent avec un taux de meurtre à 23 et un taux de suicide élevé également.
  • Les républiques baltes ont une structure familiale autoritaire, la Lettonie était plus bolchevique que la Russie et avait fourni l'essentiel de ses services secrets.
  • La Russie est fondamentalement égalitarisme et universaliste. La ou les États-Unis sont ennuyés de ce que les Français pensent qu'une vie palestinienne vaut autant qu'une Israélienne, les Russes ont des structures familiales égalitaires, avec une autorité du père sans conteste, qui a permis le totalitarisme.
  • Les Ukrainiens sont plus conservateurs que les Russes. Ils ont fait preuve de nationalisme et d'antisémitisme en 1918. L'Amérique a peu à offrir a l'Ukraine, qui commerce principalement avec l'Europe et la Russie.
  • La Russie est en chute démographique, mais le pays se redresse économiquement.
  • La Russie veut s'allier aux Européens, jouant sur la complémentarité des ressources naturelles Russe et de l'industrie Européenne.

Europe

  • Selon Todd, l'Allemagne devient indépendante des États-Unis, le couple Franco-Allemand, dysfonctionnel en 1990-2001 redevient actif après l'Euro.
  • L'Angleterre selon lui est toujours plus proche des États-Unis, mais malgré cela, devrait se réorienter vers l'Europe.
  • Le Japon et l'Allemagne sont plus efficaces économiquement, car moins court-termiste et ultra-libéral que les Américains. 
  • Les États-Unis ont une histoire limitée a 300 ans durant lesquels une faible population a colonisé un territoire immense alors que les Européens et les Asiatiques ont une expérience millénaire de vie a la limite malthusienne. Les américains ont une vision infinie du monde et sont toujours en recherche de nouveau territoire et de nouvelle population à exploiter.

Conclusion

  • Les USA sont déclassés parce qu'ils n'ont plus d'industrie. C'est une conséquence du paradoxe de Triffin.
  • Les USA se lancent dans un spectacle d'opérations militaire pour convaincre tout le monde qu'ils sont encore la nation indispensable. Ils attaquent des pays faibles et s'en prennent aux musulmans.
  • L'Europe et le Japon sont les deux puissances industrielles du monde, la Russie se relève et peut fournir des matières premières.
  • La Chine n'est pas encore un acteur indépendant selon Todd en 2003.
  • En Amérique latine, le Brésil peut espérer jouer un rôle prépondérant dans le futur. Il en est encore loin.
Todd est un démographe. Son analyse est optimiste sur le long-terme concernant les pays du tiers-monde, qu'il considère sur la bonne voie, moyennant une hystérie violente passagère. Il est attaché par des liens familiaux forts à l'Angleterre et aux États-Unis. 

Lisant couramment l'anglais, c'est une passerelle idéologique entre la France et le monde Anglo-Saxon. Il s'oppose aux néoconservateurs qui entendent imposer au monde les valeurs américaines. Il décrit dans une interview récente Robert Kagan un avocat de l'interventionnisme libéral, et mari de Victoria Nuland, responsable des affaires étrangères en Ukraine et Europe de l'Est, comme "dégoulinant de mépris" envers la faiblesse des Européens. Mais son opinion est déjà formée en 2002 sur la base du discours de l'axe du mal de Bush et du bombardement de la Serbie hors du cadre de l'ONU, alors que les leçons de la guerre en Afghanistan, de la deuxième guerre en Iraq, et de l'intervention en Libye, en Syrie et au Yémen n'ont pas encore pu être tirées.

Références:
  • Wealth of Nations, Adam Smith
  • Rogue States, Noam Chomsy
  • Jihad vs McWorld, Benjamin Barber
  • The Clash of Civilizations, Samuel; Huntington
  • The End of History, Francis Fukuyama
  • The Paradox of American Power, Joseph Nye
  • The Next American Nation, Michael Lind
  • The Rise of Meritocracy, Michael Young
  • Globalization and its Dicontents, Joseph Sitgliz
  • The Competitive Advantage of Nations, Michael Porter
  • The Economics of Empire, William Finnegan

2024-02-17

Mon Combat: l'ecueil du Nationalisme

Comprendre l'extremisme nationaliste

Dans les années 1990, Mike Goodwin découvre une remarquable régularité sociale. Il énonce sa règle éponyme, selon laquelle une discussion politique sur internet finit toujours par une comparaison indignée au Nazisme. 

Le Nazisme est un spectre omniprésent dans le discours politique Européen. Les démocraties promettent de ne "jamais plus" retomber dans les erreurs de l'époque. Si les adultes qui ont vécu dans les années 30 pouvaient comprendre les mouvements nationalistes, savoir les reconnaitre, la promesse "de ne jamais oublier" est devenue vide de sens pour ceux en Europe qui pour des raisons de censure n'ont jamais eu accès a ces théories qu'ils sont censes abhorrer. 

Il est difficile de comprendre des auteurs comme Popper, Hayek, Burnham, Hoffer ou Habermas sans savoir ce que Hitler, Staline et Mao ont écrit. Nous revoyons ici Mon Combat, le manifeste du mouvement Hitlérien qui a la distinction d'être un mouvenent populiste de "vrais croyants" nationalistes alors que tous les autres sont communistes ou fanatiques religieux. 

Mon Combat est un livre autobiographique et un manifeste écrit en prison en 1924. Il s'agit d'un document historique exceptionnel qui, s'il n'est pas disponible en Europe, peut se trouver en traduction anglaise sur le site Gutenberg Australien.

Formation du personnage

Il est instructif de lire comment le personnage se perçoit et décrit son évolution:
  • Il s'est intéressé à la peinture dès son enfance. Son père qui était fonctionnaire voulait le forcer à devenir fonctionnaire, il a volontairement saboté ses études.
  • Le décès de son père, puis rapidement de sa mère lorsqu'il a 18 ans, lui a permis de se consacrer à l'art. Il va à Vienne et s'intéresse alors à l'architecture.
  • À Vienne, il n'est pas accepté à l'école de peinture qu'il espérait rejoindre, leur ayant dit son fort intérêt pour l'architecture. Il ne peut pas non plus être accepté a l'école d'architecture, ayant volontairement saboté ses études secondaires pour ne pas devenir fonctionaire.
  • Il a de très grandes difficultés à trouver un travail et un salaire satisfaisant. Il côtoie des milieux populaires les plus miséreux et remarque des activités syndicales qui lui semblent néfastes à la société. C'est sa période de Lumpenproletariat.
  • Au bout de deux ans, il arrive à recevoir un salaire satisfaisant, qu'il emploie en grande partie pour aller à l'opéra voir le cycle entier des Niebelung de Wagner. 
  • Il a beaucoup de temps libre qu'il emploie à lire les journaux. Il pense que l'empire Austro-Hongrois est en phase de déclin et qu'un renouveau nationaliste germanique est necessaire. Il pense que les journalistes de la presse de haute qualité qui peuvent paraitre plus nuancés ou neutres minent l'unité nationale. Il remarque qu'ils sont juifs, tout comme les meneurs de syndicats.
  • Il se dit tolérant religieusement, puisqu'il accepte protestant comme catholiques, mais il pense que le judaïsme n'est pas une religion, mais une race qui se dissimule comme religion. Pour lui, l'impardonnable, c'est que les juifs ne sont en fait pas vraiment allemands. Le nationalisme est chez lui une valeur fondamentale dès sa jeunesse.
Aquarelle en 1909: credit: wikicommons

En dépit de cette jeunesse difficile, l'ouvrage est écrit dans une prose élaborée, avec des allusions littéraires classique à la mythologie grecque et au Faust de Goethe. Le niveau de connaissances politiques et littéraires et la facilite d'expression est remarquable, similaire au niveau de Walter Lippmann et d'un niveau comparable sinon supérieur à beaucoup de chefs d'États modernes.

Opinions

  • Le journalisme encadre la vision du monde, les journaux élitistes prétendent être neutres et nuancés, mais ont souvent un agenda dissimulé alors que la presse populaire est plus directe.
  • Les parlementaires sont comparés à des chenilles parasites qui engraissent dans les coulisses du pouvoir dans la corruption et l'absence de responsabilités pendant les quatre ans de leur mandat, puis la chenille devient papillon le temps d'une campagne électorale. Ils n'ont aucune conviction et changeront leur programme au gres du vent pour conserver leur mandat.
  • Les universitaires cultivés lisent beaucoup, mais n’intègrent pas la connaissance. La lecture doit s'accompagner d'une réflexion qui intègre la connaissance pour informer la vision du monde du lecteur.
  • Les partis nationalistes allemands ne savaient pas entrainer les foules, les partis socialistes sont des partis de l'étranger et le grand capital financiarisé travaillait à saper l'économie Allemande..
  • La religion est un moyen de garantir le capital social et une institution fondamentale de la civilisation.
  • L'architecture des villes modernes a été défigurée par la révolution industrielle. Avant cela, les villes Allemandes les plus grandes avaient 50,000 habitants, et avaient de beaux monuments construits par la noblesse. La croissance rapide a entrainé une baisse de la qualité des logements et un manque d'architecture monumentale. Le prolétariat est en ville pour survivre et ne se soucie pas de son cadre de vie.
  • Les Alliances de l'Allemagne avant 1914 garantissaient une défaite stratégique. Il fallait soit s'allier avec la Russie ou avec l'Angleterre ? S'allier avec des Empires vus comme malades comme l'Autriche et pire encore, l'empire Ottomans et rendait la guerre plus attrayante encore pour les ennemis potentiels que si l'Allemagne n'avait eu aucune alliances, vu les prospectives de découpe de ces deux États multinationaux.
  • Vigueur démographique, natalité et sélection : une forte natalité par rapport aux ressources disponibles est nécessaire pour que s'opère une sélection naturelle. 
  • La syphilis et de la tuberculose ne peuvent pas être traitées efficacement par la médecine (c'est ecrit avant la commercialisation des antibiotiques). Il faut des solutions sociales et politiques totalitaires pour la salubrité publique. Par eugénisme, il suggère, l'internement ou la stérilisation forcée de toutes les personnes présentant des traits non désirables
  • Il y a trois sortes de lecteurs de journaux : (1) ceux qui croient tout ce qui est écrit, et ce sont les plus nombreux, de loin, (2) un fort groupe de complotistes, qui ne croient plus en rien, et ne sont plus très utiles socialement, (3) une petite élite qui sait se former sa propre opinion.
  • Guerre : l'auteur ressent un profond sentiment de gratitude qu'un régiment bavarois accepte son enrôlement volontaire. Il pense que beaucoup se sentaient soulagés par la déclaration de guerre.
  • Il accepte les combats avec patience, une attaque au gaz le rend aveugle et il constate que le front est plus motivé que l'arriere. Il revit avec nostalgie les quatre ans de guerre de tranchée. Convaincu que l'Allemagne pouvait gagner la guerre jusqu'à la grève de 1918, qu'il voit comme une trahison de l'arriere.
On retrouve dans ces écrits certains éléments fondamentaux décrits par Fukuyama sur la légitimation de l'ordre politique et le role de la religion, par Walter Lippmann sur l'opinion publique, par Graham Wallas sur la nature humaine en politique, par Burnham sur les élites, par Shaw et Wong sur l'identité et l'exclusion, par Mancur Olson sur la passivité des foules et le problème d'action collective.

Création du parti

  • Après "6 ans de guerre", le persiflage ou la haine en politique le gène moins que les shrapnels d'un obus de 300mm. Le leader d'un mouvement politique ne doit pas rechigner à être haï, c'est la preuve qu'il fait des choix difficiles.
  • Il rencontre six autres membres d'un parti préexistant, lors d'une présentation par un économiste conspirationniste (complot bolchevique et capitaliste international de la finance mondialisée).
  • Rapidement, il démontre des qualités exceptionnelles d'orateur : peut gagner une audience de 2000 personnes en quelques heures.
  • Selon lui, peu d'homme ont des talents d'orateurs qui pourraient intéresser une salle, mais encore un seul sur mille serait capable de motiver et d'émouvoir des intellectuels, des petits artisans et des ouvriers lors du même discours.
  • Concentration exceptionnelle sur les points importants : donner au peuple un message simple pour les mobiliser efficacement
  • Les intellectuels sont subordonnés au peuple, la propagande doit donner un message simple, une solution simple, et la répéter inlassablement.
  • Il va chercher les communistes pour les rallier à son parti, le processus de recrutement et de "conversion" sont importants. Il y a un fort risque de violence physique, et il doit organiser un comite de gros bras pour intimider les intimidateurs.
  • Les communistes, socialistes et syndicats utilisent la bêtise du peuple pour le guider vers une solution qui ne va nulle part. Ils utilisent l'intimidation et la violence pour faire taire leur opposition, c'est là que d'avoir été exposé à la guerre permet une opposition directe.
  • La masse est essentielle aux partis modernes et la nouveauté de son parti est de mobiliser le nationalisme pour combattre les socialistes et communistes qui jusque là étaient les seuls partis de masse.
  • Trois modèles politiques de l'État : 1) État comme contrat social volontaire, 2) État comme instrument de maintien de la paix et du statu quo, 3) État comme un moyen vers un objectif national. Le premier modèle n'intéresse que les philosophes et sociologue qui entendent légitimer l'ordre établi, le deuxième correspond aux pragmatiques, mais l'État moderne conduit à la Démocratie et cette dernière n'est souvent que l'antichambre du marxisme, le troisième correspond au parti proposé.
Par dela son talent d'orateurs, son écriture lyrique, et son nationalisme, il invoque une vision complotiste hallucinant une source volontaire néfaste et unifiée contre l'Allemagne. Le capitalisme international financiarisé des Américains et le bolchévisme se joignent selon lui en un seul complot contre la race de son peuple. 

La Weltanshauung construite n'est cependant pas un retour a ce qu'Auguste Comte appelerait la phase animiste de la pensée de personnification de l'Adversaire halluciné. S'il identifie rationellement des mécanismes d'incitations et de récompenses qui expliquerait divers complots, il explique que le message donné au peuple doit etre simple. Il faut donc présenter un seul enemi. Ce "complot judéo-bolchévique du capitalisme financiarisé international" donne a l'orateur une solution "toute-en-un", et lui permet de simplifier le discours pour la foule.

Il s'agit de créer une armée moderne la plus efficace. Le romantisme et les traditionalisme sont reconnus comme utiles à la constitution d'un mythe et d'une identité. Il se moque des traditionalistes allemands qui veulent se battre à l'épée par romantisme. il veut être aussi scientifique que l'Eglise Catholique dans sa conduite de la propagande.

Le parti ne s'intéressait pas à avoir une représentation juste de la réalité car il concentrait sciement tout ses efforts et toute sa rationalité pour mettre au point sa stratégie de campagne et de propagande dans la construction d'une symbolique nationaliste, d'un combat et d'un adversaire qui puisse unifier et mobiliser les masse.

Conclusions concernant les années 20

  • Hitler était un orateur exceptionnel. Il a grandi comme un orphelin et sait comment pense le peuple. La défaite de 1918 lui permet la conversion des masses et l'intimidation des bourgeois.
  • Le mouvement national socialiste correspond à ce qu'Eric Hoffer appelle un parti de "vrai croyant". Le parti repose sur la "conversion" d'idéalistes religieux, communistes, ou nationalistes qui recherchent un mouvement pour dépasser leurs insuffisances et trouver une rédemption.
  • Si la question juive semble être posée de manière curieuse au début : un juif peut-il être allemand ? Le ton devient pathologiquement antisémite, cherchant à déshumaniser les juifs en les présentant comme differents insectes parasites ou des bacilles nocifs sécrétant des toxines. Il explique que seuls des auteurs non-juifs sont capables de comprendre la religion juive, et que les juifs sont incapables de l'analyser en profondeur ou de la comprendre réellement.
  • La question économique est comprise comme un jeu à somme nulle. Il s'intéresse plus à des questions de culture, de conquêtes militaires, et de projets grandioses et rédempteurs. Comme l'expliquait Titus Gebel dans son livre sur les cités libres, les petits entités politiques doivent se concentrer sur le problème concret de la gestion des affaires de la cité. Les grandes Etats se font détourner par des grands orateurs qui séduisent les masses avec des projets impossibles.
  • De nombreux points présents chez Hitler le sont aussi chez Walter Lippmann, sa critique de la démocratie est fondée sur les memes points qui poussent ce dernier à suggérer un developement administratif fédéral. Les remèdes suggerés par Hitler sont toujours l'Etat totalitaire, ainsi, pour combattre la syphilis, il faut l'Etat total.
  • Le parti n'obtient pas le pouvoir en 1924, il faudra la grande dépression de 1929 pour ranimer ce mouvement. Tout comme le communisme, ce mouvement a toujours été très controversé. Il a conquis le pouvoir sans jamais obtenir la majorité. La technique utilisée pour faire taire l'opposition était l'intimidation et la violence.
  • Si le communisme joue sur l'envie et présente un biais de désirabilité sociale inclusif avec un projet de justice qui s'oppose à la nature en voulant compenser toute inégalité, le national socialisme embrace le darwinisme et propose un communautarisme fondé sur l'exclusion.
  • Le parti est réactionnaire en ce qu'il réagit à l'internationalisme socialiste et communiste, mais il se veut moderne et non conservateur. Il veut utiliser les outils du populisme pour définir un projet de société total, qui selon lui peut seul mettre en echec le socialisme de manière durable. La démocratie est selon lui instable à cause du problème d'action collective. 
  • Ce parti est à la fois un antidote contre le communisme, et l'adaptation opportuniste par des politiciens populistes de ses méthodes de propagandes de masses à une nouvelle realité politique : le pacifisme des socialistes Jaures et Haase et l'espoir d'une greve générale se sont avérés moins populaire que le nationalisme belliciste.
  • Le pivot populiste de l'internationalisme syndical au nationalisme corporatiste existait déjà chez Julien Sorel qui passa sa vie à défendre tous les extremismes du racisme de  Maurras en 1910 au Bolchevisme en 1920, dans l'espoir de mettre à bas l'ordre bourgeois.
  • Il s'agit de gagner des voix et d'obtenir le contrôle de la fenêtre d'Overton pour faconer un consensus aux fondé sur un mythe moderne plutot que de chercher à comprendre la réalité. L'extremisme gagne lors des situations de crises. Si le Sorelianisme ne pouvait pas passer en France en 1909, le nazisme réussi dans l'Allemagne vaincue après 1929.
  • Si le communisme révolutionaire est dénoncé comme une erreur en 1904 par Eduard Bernstein qui prône l'amélioration de la condition ouvriere par les réformes sociales, il est diagnostiqué en tant que mouvement en 1922 par Walter Lippmann comme une suradaptation de la politique a l'uniformisation industrielle, le nazisme serait une suradaptation à la guerre totale de 1914 et à la crise qui s'ensuit, utilisant des modes de propagande populiste et d'intimidation des communistes pour s'opposer à leur internationalisme.

D'autres sources me semblent mieux decrire la realité: les ouvrages de Shaw et Wong ou d'Eric Hoffer. Mais la lecture de Mon Combat permet de mieux comprendre les vérités que l'auteur avait saisi et l'objectif d'exaltation nationale sectaire qu'il s'etait fixé.

Conclusions pour le Populisme Moderne

La religion: La religion a longtemps été un mécanisme de différentiation politique et d'exclusion. Les disputes sur les dogmes de l'église primitive sont un prétexte aux schismes qui se font suivant des lignes de failles politiques antérieures aux disputes. Dans l'Europe moderne, le catholicisme des Polonnais est une expression de leur volonté de différenciation des Russes Orthodoxes et des Prussiens protestants. En 2017, l'église Orthodoxe Ukrainienne a deplacé la date de Noel, ce qui la différencie de l'eglise Russe et la rapproche de l'ouest.

Quand Nietzsche affirme dans Le Gai Savoir que "Dieu est mort", il ne veut pas dire que plus personne ne croit en Dieu, mais qu'il est devenu acceptable pour les croyant d'Europe d'interagir avec des incroyants ou des personnes d'une autre religion sans avoir a penser que l'autre est moins humain. 

Le nationalisme entraine une regression du discours politique à la période précédant la tolérance et les lumières en occident.

Le nationalisme: La nation est un autre groupe susceptible de justifier l'exclusion. Il se massifie avec la conscription et l'alphabetisation, qui entraine une homogéneisation de la langue nationale pendant toute la periode moderne, mais surtout le 19e siecle. 

La caracteristique du Nazisme est d'exploiter le nationalisme et les pathologies induites par la 1ere guerre mondiale. Le nationalisme s'est montré in-fine plus mobilisateur que la lutte des classes dans toute l'Europe. Le démagogue nationaliste peut vaincre les démagogues communistes en Allemagne. Ces mécanismes nationalistes, raciaux et religieux d'exclusion sont expliqués dans un autre billet sur Les Origines Genetique des Conflits selon Shaw et Wong.

Le président Wilson a imposé en Europe après 1918 un ordre politique basé sur le nationalisme en découpant les trois empires vaincus. Selon l'aristocrate autrichien Ritter Von Kuenelt-Leddihn, le nationalisme est un risque accru depuis lors. La démocratie imposée par les Etats-Unis a été l'antichambre du fascisme et du communisme en Europe, et il s'avère moins pacifique pour sa capacité a déshumaniser l'autre.

Alors que la globalisation a entrainé un déclassement des ouvriers dans les pays développés, la gauche  internationale est devenu une gauche Brahmane alors que les ouvriers se sont tournés vers des mouvements nationalistes. La démagogie nationaliste est donc d'actualité a cause de la mondialisation et de l'immigration. 

Une redisitribution fléchée: Signalons enfin une distinction: la démagogie de la haine est renforcée par la démagogie de l'envie. L'antisémitisme, tout comme la haine des "oppresseurs blancs" chez les décolonisés, des hommes pour les feministes ou des riches pour les socialistes mobilise un complexe d'infériorité. Les Japonais visitant l'Allemagne des années 30 se seraient exclamés, le Nazisme est l'idéologie nationale la plus parfaite, mais comment pouvons nous copier ce modèle sans les bouc-émissaires juifs? La xénophobie utilise le complexe de supériorité. Elle n'a pas le moteur crapuleux: il y a bien plus à gagner en s'attaquant à un groupe riche qu'à un groupe pauvre. Même s'il ne peut plus promettre "tout l'or des juifs", et c'est la une différence essentielle avec le nationalisme des années 30, le nationaliste se doit d'être aussi paternaliste et redistributeur que le socialiste pour acheter la masse. C'est un invariant du populisme dans un régime de suffrage universel qui se maintient depuis 1848. 

Si je ne pouvais pas imaginer avant d'avoir lu ce livre ce que Jacques Delors entendait par "malthusianisme réactionaire", cet ouvrage apporte un eclaircissement. Il semblerait que la gauche internationaliste ait disparu dans les années 60. La période charniere serait de 1956 a 1963, lorsque Stanley Levison du PCUSA écrit les discours de MLK Jr, jusqu'au point culminant du discours "I have a dream". La démocratie est maintenant le théatre d'une lutte entre une gauche ethnonationaliste et une gauche de l'intersectionalité. 






Une brève histoire des tarifs douaniers

  Les tarifs douaniers — taxes sur les importations — ont façonné les économies et les empires pendant des siècles, reflétant l’évolution de...