Europa - Le Projet Fédéral Giscardien

En 2014, Valéry Giscard d'Estaing publiait Europa, la dernière chance de l'Europe. Ce livre explique la compréhension historique par cet ancien président de la construction Européenne et son expérience entre 1974 et 2014.



La ligne droite de la construction Européenne 1949 - 1990


L'UE a été fondée à partir du projet de Jean Monnet un supranationaliste qui avait travaillé à un projet d'unification de la France et de l'Angleterre sous la pression de la guerre en 1939 et un projet d'États-Unis d'Europe entre 1955-1975. Ses cendres ont été transférées au Panthéon de Paris sur l'ordre du président Mitterrand en 1988.
  • 1949: création du conseil de l'Europe (conseil des ministres)
  • 1951: traité de Paris et création de CECA (Charbon et Acier) proposé par Robert Schumann
  • 1954: création de Union de l'Europe Occidentale, une organisation de pays de l'UE membres de l'OTAN suite au rejet de la Communauté Européenne de Défense par la France
  • 1957: traité de Rome créant la CEE, ou l'Europe des 6 (RFA, France, Italie, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg)
  • 1958: accord monétaire Européen
  • 1959: la Grèce émet le souhait de rejoindre la CEE, suivie par la Turquie en Juillet
  • 1961: l'Irlande, le Danemark, le Royaume-Uni émettent le souhait de rejoindre la CEE, suivis par la Norvège en 1962.
  • 1963: veto du Général de Gaulle à l’adhésion britannique
  • 1966: politique de la chaise vide par de Gaulle, pour que l’unanimité reste nécessaire
  • 1967: second veto du Général de Gaulle à l’adhésion britannique
  • 1973: Elargissement à l'Europe des 9 (Royaume-Uni, Danemark, Irlande)
  • 1986: Acte Unique, Europe des 12 (Espagne, Portugal, Grèce)
  • 1990: entrée en vigueur de l'Espace Schengen
  • 1990: chute du mur de Berlin, la RDA devient membre sans nouveau traité suite à une clause insérée par le chancelier Konrad Adenauer dès les années 50
  • 1992: traité de Maastricht. Création de l'UE, 1) Monnaie Unique avec critères de convergence et pacte de stabilité engageant la fiscalité, 2) Europe Sociale (éducation, santé, protection des consommateurs), 3) politique d'aide aux régions défavorises. Le Royaume-Uni et le Danemark 
Ce qui avait commencé par un accord économique sur le charbon et de l'acier fut étendu. La coopération économique et politique allait en s'intensifiant pendant toute cette période.

L'ancien président relate son amitié et la volonté de coopération avec le chancelier social-démocrate Helmut Schmidt antérieure à leur accession au pouvoir en 1974.

L'UE est après Maastricht une personne juridique, et il y a une citoyenneté Européenne. La décision de créer une monnaie unique est issue d'une volonté politique, mais aussi des circonstances économiques : après la fin des accords de Bretton-Woods, le flottement des devises et les dévaluations successives sont très mal vécues en France. Une dévaluation du Franc augmente le coût des importations Allemande et des matières premières, tandis qu'une dévaluation rend l'industrie italienne plus compétitive. Tout cela crée dès les années 70 un regain intérêt pour une monnaie unique qui aboutira après 20 ans.
Les traités fondamentaux de l'union sont le traité de Rome de 57, l'acte Unique de 86 et le traité de Maastricht de 92.


La Perte de Sens 1990-2014

Dans les années 90, l'ouverture des pays de l'Est a conduit à une croissance rapide de l'Europe à 28 gouvernements. La règle de l’unanimité puis de la majorité qualifiée entraîne depuis des blocages.

  • 1994: la Pologne et la Hongrie déposent leurs candidatures officielles.
  • 1995: Europe des 15, adhésion à l'UE de l'Autriche, la Suède et la Finlande
  • 1995: la Roumanie, la Slovaquie, la Lettonie, l'Estonie, la Lituanie, la Bulgarie déposent leurs candidatures officielles.
  • 1996: la République Tchèque et la Slovénie déposent leurs candidatures officielles.
  • 1997: traite d'Amsterdam (traite modificatif de préparation de l’adhésion des nouveaux pays)
  • 1999: passage à l'Euro. 
  • 2001: traite de Nice (traite modificatif des règles de majorité qualifiée)
  • 2005: NON en France au référendum sur la constitution Européenne. 
VGE est très critique du rôle de Mr Chirac qui après avoir décidé de faire un référendum plutôt qu'un vote au parlement, parce qu'il pensait que cela lui serait favorable aux élections suivantes, ne démissionna pas comme l'aurait fait De Gaulle quand il a perdu un référendum en 1969, mais dit simplement que les Français ne veulent plus de l'Europe, alors que selon VGE, ils ne voulaient plus de ce gouvernement.


Europa: "la Dernière Chance" le projet fédéral de VGE


Si l'Euro permet d’éviter l’instabilité des marches des devises, la stabilité qui s'ensuit n'est qu'une stabilité réprimée si les économies qui composent la zone Euro ne convergent pas vers un même niveau de productivité. Tous les politiciens qui supportaient l'Euro expliquaient qu'une convergence économique et une intégration politique et fiscale croissante était nécessaire pour éviter les déséquilibres économiques.

Voyant que l'UE s'est étendue à 28, et comprend maintenant des pays qui ne souhaitent pas entrer dans l'Euro, et d'autres qui ne souhaitent pas une intégration politique plus poussée. VGE suggère de conserver l'UE telle qu'elle et de créer Europa, une union qui comprendrait qui souhaitent et qui sont capables économiquement d'une intégration politique avec l'Allemagne et la France.

Conclusions


L’intégration s'est arrêtée, et la divergence économique met la zone Euro à rude épreuve. Il y a selon moi deux sources de dissension.

Désaccord Fondamental au sein des Pays Riches


La construction fédéraliste s'est faite sur un accord sur les moyens mais pas sur ses fins.

Dès 1985, Jaques Delors voulait construire une Europe sociale. Il tient des discours devant les syndicalistes britanniques alors que le gouvernement Thatcher s'occupe de casser les grèves. Mme Thatcher qui était pro-européenne devient eurosceptique. Le Royaume-Uni et le Danemark sont passés de la CEE à l'UE à reculons. Ils s'y opposent soit par nationalisme, soit pour plus de subsidiarité. La subsidiarité est un principe décentralisateur qui est inscrit dans la constitution américaine mais qui est en pratique bafoué depuis 1907 par la hausse du budget des administrations fédérales.

La dernière grande initiative intégratrice fut date de 1992, illustre que chacun projetait sur la construction fédéraliste sa vision et ses objectifs personnels : alors que Jaques Delors voulait une Europe sociale, c'est une Europe libérale de l’égalité devant la loi de tous les citoyens européens, et du droit de circulation. L'internationalisation a surtout bénéficié aux élites.

On voit donc des socialistes Français y travailler pour remédier au malaise social qui s'est installé en France en 1974, Jean-Luc Mélenchon, député socialiste à l’époque, demandait à ses électeurs de voter pour Maastricht pour l'Europe sociale. Les intentions du Luxembourg, des Pays-Bas et de l'Irlande sont moins coercitives et plus libérales.

Dans le camp libéral en France, Jean-Claude Trichet me semblait penser, quand il soutenait l'Euro, que c’était un moyen de juguler les socialistes Français et d'imposer à la France et à l'Italie des réformes structurelles dont elles avaient grand besoin sur le long terme.

Certains voyaient-ils un moyen d'alimenter la politique sociale Française en imposant des populations toujours plus étendues tandis que pour d'autres, s'agissait-il d'un moyen de protéger les libertés l'individu d'un État qui ne sait que confisquer plus quand la situation empire? La question du libéralisme et la crise de la social-démocratie crée des dissensions parmi les politiciens et pas seulement entre les pays.


Le Choc de la Désintégration du Bloc de l'Est


L’intégration des pays de l'est était une opportunité historique unique d'augmenter l'Espace Européen. On voit que l’intégration des pays de l'Est a pris la construction Européenne à contre-pied.

Ces pays étaient aux antipodes de la convergence et de la stabilité voulue par les critères de Maastricht. Le coût de la main d'œuvre y était beaucoup plus bas. Cela devenait un problème si l'on ouvrait les frontières. De plus, ces pays s'alignaient sur un consensus libéral de développement, le consensus de Washington, plutôt que d'envisager un État providence et une social-démocratie.

L’économiste Prix Nobel Maurice Allais s'opposait à la création de l'Euro et à l'ouverture des frontières vers ces pays, car selon lui, les dévaluations du Franc et la concurrence des bas salaires allait empirer le problème du chômage en France.

Finalement, c'est l'argument politique pour l'accueil des autres peuples européens dans un espace de liberté qui a prévalu sur l'argument économique de Maurice Allais.

Suite à l’intégration d'autant de pays désenchantés par le communisme, le consensus social-démocrate de l'Europe des 6 n'est plus majoritaire.

Il y a moins d'homogénéité économique des pays et encore moins une homogénéité idéologique.
La construction européenne ne se poursuit plus parce que les différents ne sont pas d'accord sur la route à suivre.

L'Euro a résolu le problème de la fluctuation excessive des devises apparu dans les années 70, mais on aperçoit avec le recul que ce problème n’était qu'un bouc-émissaire et que la monnaie unique ne peut se faire sans plus de transfert, ou sans reformes pour plus de flexibilité dans les domaines ou le chômage sévit.




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