Le Coût de l'Assurance Maladie


Le Progrès au Service de la Vie


Que de progrès ! Les seules interventions bien maîtrisées par la chirurgie sous Napoléon étaient l'amputation d'un membre. Les moyens étaient rudimentaires : il suffisait d'une scie, d'une chaise et de 2 forts gaillards. 

Les attentes ont changé et la plupart des patients veulent séjourner à l'hôpital sans qu'il leur en coûte un bras. L'éventail de soins disponibles s'est complexifié. Les hôpitaux ont des départements de radiographie, d'imagerie médicale, d'anesthésie. Cette complexité a un prix.
L’hôtel des Invalides, 1671

Rôle de l'Administration et Problèmes d'Agents


Une organisation administrative centralisée permet de recueillir des statistiques pour informer l'allocation de ressources limitées et servir l'amélioration de la santé publique.

De plus, un encadrement du marché des soins médicaux permet une pré-négociation des prix pour les personnes dont la santé est défaillante qui ne peuvent pas comparer les prix et services.

Les enjeux de santé publique et économiques sont cruciaux. Étant donné la faiblesse des patients et la possibilité d'extraction de rentes quand les patients sont pris en charge par une assurance et ne payent de leurs deniers, le remboursement des dépenses de santé doit faire l'objet de contrôles rigoureux.

Pour aller plus loin, ce billet de Mr Monne en 2010 explique certaines mesures qui permettraient d'éviter les dérives de l'assurance maladie en France.


Première Comparaison Européenne


Pour élargir le débat, un article de 2007 de Chirstian Raaflaub résume la situation des systèmes d'assurance maladie en Europe.

Certains pays comme la Suisse et l'Allemagne mettent en concurrence différentes caisses d'assurance tandis que le Danemark, la Suède ont un système unique. Les Suisses étaient appelés à voter pour une proposition de copier le système Danois avec une caisse unique.

Les chiffres cités par cet article sont les dépenses de santé en 2004 en pourcentage du produit intérieur brut (PIB):

USA: 15,3%
Suisse: 11,6%
Allemagne: 10,9%
France: 10,5%
Autriche: 9,6%
Suède: 9,1%
Moyenne des pays de l'OCDE: 8,9%
Danemark: 8,9%
Italie: 8,4%

L'existence d'une caisse unique permet en théorie de négocier à la baisse le prix des médicaments et de contrôler le prix des soins. C'est la théorie que soutient l'économiste Paul Krugman. Cela expliquerait la situation catastrophique de l'assurance maladie aux États-Unis.

En pratique, les Allemands et les Suisses parviennent à financer un bon système avec un système concurrentiel, et le système Danois est bien plus efficace que le système Suédois selon cet article en dépit d'une caisse unique pour la Suède.

En dépit de l'argument théorique, l'efficacité des systèmes n'est pas liée à l'existence de concurrence ou de monopole dans les faits.

Autres Horizons : US, Angleterre, Singapour


En restreignant suffisamment le domaine d'investigation, cet article suisse de 2007 dépeint une situation relativement homogène où tous les pays dépensent 10 % de leur PIB pour l'assurance maladie. On pourrait même ajouter que le Japon aussi dépense 10 % de son PIB en assurance maladie. La France serait-elle donc indistinguable parmi les autres pays ?

Trois autres points ont été omis dans l'article suisse qu'il conviendra de rappeler:
  • l'assurance maladie aux États-Unis où les coûts des dépenses de santé sont en train de passer de 15 % du PIB à 20 % du PIB.
  • le NHS (National Health Service) britannique longtemps coûtait 6 % de PIB (c'est un service gratuit mais rationné avec files d'attentes etc) alors que les 5 % restant de coût était payés par la population plus aisée.
  • Singapour a une assurance maladie très partielle qui coûte 4 % de PIB, le reste étant payé par les malades eux-mêmes, selon cet article. Il y a la une grande question : faut-il rembourser uniquement les soins important, ou même les visites de confort ? Une autre différence importante est que les Singapouriens cotisent pour leur dépenses de santé ultérieures. Ce point est important car 80 % des personnes ont leurs plus grosses dépenses de santé dans leur dernière année de vie.

Point de vue de la Cour des Comptes 


La Cour des Comptes donne ici des éléments concernant l'évolution récente de ces prestations en Europe face à la hausse des coûts. Il faut noter que le graphe obtenu par la cour des comptes montre curieusement une hausse très faible en 2016. Est-ce lié à son utilisation du dollar américain au lieu de l'euro ou à l'évolution démographique ?

L'étude donne également des informations concernant la qualité et l'accès aux soins. 

La vidéo ci-dessous résume leur conclusion sur l'évolution des coûts et des prestations.

:



Budget : le Contrôle de la Pensée par la Définition des Termes


Une recherche internet sur les coûts de l'assurance maladie montre que les médias, l'INSEE, et même la Cour des comptes se préoccupent surtout du déficit annuel de la sécurité sociale. Pourtant, ce n'est pas du solde résiduel mais des dépenses, et donc du poids total sur l'économie qu'il devrait être question.

Le contrôle des coûts de l'assurance maladie est une question très différente du financement des retraites. Un article typique sur les 70 ans du trou de la sécu montre que la confusion est totale entre l'assurance maladie qui a une composante technologique forte, et le financement des retraites qui est une question démographique et actuarielle,

Enfin, le but n'est pas d'éviter un déficit mais de contrôler le niveau de dépenses afin que le système puisse faire face au vieillissement de la population. Avec un taux de cotisation suffisamment élevé, on peut équilibrer n'importe quel niveau de dépenses. Ce graphe des dépenses en euros montre une hausse progressive importante:

source: wikipedia et ccss

Cette donnée n'est guère discutée dans les médias. En fait, le niveau de dépenses de 2018 ou 2019 n'est repris nul part, et il faut le chercher sur le site de la commission des comptes de la sécurité sociale.

On ne voit pas non plus d'analyses prévisionnelle de la hausse des coûts d'assurance maladie suivant le vieillissement de la population française, ou sur la baisse des recettes. En effet, des cotisations de 7%+7 % de CNAM et 9 % de CSG sont prélevées sur la fiche de paye d'un jeune de 20 ans, un retraité de plus de 65 ans ne paye que 8.3% de CSG. Un déficit apparaît automatiquement quand la population vieillit.

Il y a donc trois sources de confusion:
  1. les catégories différentes que sont l'assurance maladie et le financement des retraites sont confondues dans les comptes de la nation ce qui dissimule le surcoût des retraites par rapport aux autres pays 
  2. l'assurance maladie est sous facturées pour la partie de la population qui l'utilise le plus, ce qui rend le budget instable quand cette population augmente, 
  3. le discours public construit et repris autour du déficit présent et du cumul de la dette sociale passée est posé dans des termes qui ignorent l'augmentation prévue des dépenses.
Ces confusions obscurcissent le débat public et la compréhension des décideurs.

Futur de l'Assurance Maladie en France


Le coût d'un système d'assurance maladie est entre 4 % et 20 % du PIB. Avec 10 % de coût et peu de pénuries ou de files d'attentes, le système français est l'un des plus efficaces. Cependant ce coût  est sous-facturé aux retraités et surfacturé aux actifs. Le mode de financement de l'assurance maladie en France est donc instable.

En fait, le futur du système s'installe depuis les années 1990 : la technologie améliore la médecine et augmente son coût dans tous les pays. Pour y faire face en France, de nouvelles cotisations sont mises en place qui cimentent la position du pays dans le palmarès fiscal et obèrent sa compétitivité économique, des pénuries de soins et de médicament apparaissent, l'age de la retraite est progressivement retardé. L'évolution se fait sur 30 ans de manière graduelle. La situation par rapport à 1990 a beaucoup changé car ce sont les cotisations surtout qui ont augmenté.

La gabegie en France est plus importante pour son système de retraite où 30 % de PIB sont utilisés au lieu de 10 % dans les pays qui utilisent la retraite par capitalisation, cette disparité va augmenter en l'absence de réforme.

Il conviendrait donc d'allouer correctement les coûts d'assurance maladie afin de rendre plus transparente la transition et l'évolution requise du système de retraite.




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