Charles Calomiris et Stephen Haber sont des professeurs spécialistes de la politique et l'histoire du système bancaire. En 2014, ils publient Fragile à dessein, un livre dans lequel ils explicitent le rôle du système bancaire dans le financement de l'État, le fléchage de l'investissement et l'accès a des prêts à taux bonifiés par des groupes d'intérêt spéciaux.
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Alexander Hamilton |
Le jeu de la banque
- Le jeu de la banque est intrinsèquement trop risqué pour que le crédit se développe de manière significative.
- Ce n'est que par la création de chartes bancaires ou l'attribution de prébendes et de monopoles par l'État que la banque se développe et finance l'État moderne. La charte de la banque d'Angleterre en est le meilleur exemple.
- La banque a besoin d'un système légal et de droits de propriété pour ne pas se faire voler par ses créditeurs, par l'État, ou par son élite dirigeante.
- systèmes autocratiques forts, le risque de confiscation par l'État est fort, et l'élite dirigeante sert les intérêts spéciaux proches du pouvoir. Les actionnaires minoritaires et les déposants ne veulent pas apporter de capital, car la répression financière est forte et le risque n'est pas rémunéré. On pense a de nombreux pays sous-développés.
- systèmes autocratiques faibles ou oligarchiques ou l'État n'a pas beaucoup de pouvoir, l'inflation est utilisée pour financer la dépense publique, alors que des congères oligarchiques organisent une confiscation dont elles gardent le bénéfice. On pense à des pays où l'inflation est endémique.
- systèmes démocratiques libéraux, qui ont de nombreux contrepoids de pouvoir et un système légal qui protège les droits de propriété personnelle, le système bancaire se développe le plus, même si cette protection tend a créé des intérêts spéciaux a tendance oligarchique. On pense à la banque proposée par Alexander Hamilton.
- Systèmes démocratiques populistes, dans lequel un prince se fait plébisciter par le peuple avec la promesse de redistribuer la richesse vers le grand public. On pense à la banque vue par Andrew Jackson, aux garanties de l'État sur les prêts immobiliers et aux prêts sans recours légal. Une alternative au système populiste capitaliste est un système collectiviste ou les prêts aux étudiants, au logement ne sont plus nécessaires parce que l'État prend le contrôle de ces secteurs, ce qui est le cas en Europe.
Banque et État
La charte bancaire est nécessaire a l'État moderne. Le Costa-Rica n'a pas d'armée, mais il a une charte bancaire. Le Koweït ne prélevé aucun impôt, mais a une charte bancaire. La Somalie n'avait plus de banque entre 1990 et 2011, mais l'État s'est effondré.
Si comme le note Tilly, l'État fait la guerre et la guerre fait l'État en Europe entre 1100 et 1500, à partir de 1600, l'État commence à réguler les banques par l'octroi de monopoles, de chartes.
L'Écosse du 18ᵉ siècle donne l'exemple de banques commerciales les plus libres, tandis que la charte de la banque d'Angleterre qui donne un monopole à celle-ci, vise à extraire le financement nécessaire aux guerres contre la France de 1688 à 1815. Le retour au standard or prendra 10 ans, et ce ne sera que par des réformes de 1825 à 1860 que le système bancaire prive pourra se développer en Angleterre, alors que la banque d'Angleterre combattait la déréglementation par une politique de crédit sur accommodatrice qui cause 10 crises en 35 ans. En fait, le système bancaire Anglais n'atteindra son apogée qu'avec la deuxième globalisation sous Margaret Thatcher, alors que le système bancaire américain était encore trop petit.
L'État décide qui a le droit d'ouvrir une banque, à qui il peut donner son crédit, et à quelles conditions. Il peut egalement décreter que sa dette est la moins risquée et forcer la banque a déposer ses liquidités à la banque centrale. Décider de qui obtient les crédits et à quels prix est une manière de distribuer les ressources qui est moins évidente que la redistribution par l'impôt. Plus encore, les crises permettent de aux regulateurs de décider dans l'urgence et dans l'arbitraire qui va supporter les pertes extraordinaires que la fragilité du système ne manquera pas de causer.
Les pays ne choisissent par leur système bancaire, ils ont le système bancaire qui correspond à leur régime politique.
Quelques Données Factuelles
- Un système de crédit est corrélé avec le développement économique. Depuis les années 90, les économistes ont établi que la causalité va du crédit vers le développement.
- La taille du secteur bancaire augmente avec le niveau de revenu, on observe toutefois de fortes disparités liées à des institutions maladaptées dans certains pays.
- Crise fréquente et très peu de crédit : Tchad et Congo
- Crise fréquente et peu de crédit : Argentine, Bolivie, Brésil, Cameroun, CAR, Colombie, Costa Rica, Équateur, Kenya, Mexique, Nigeria, Philippines, Turquie, Uruguay. (Seuls la Bolivie et le Costa Rica ont des régimes démocratiques stables depuis 1970)
- Il semble y avoir un lien entre régimes autoritaires et un système bancaire peu développé.
- Les 6 pays développés qui n'ont pas eu de crise : Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Malte, Hong Kong, Singapour. Ces pays ont un État de droit fort garanti par le common law. Les institutions donnent lieu à plus de contre-pouvoirs que la démocratie populiste américaine.
- Les pays développés qui ont eu plus d'une crise récente sont l'Espagne, la Suède, et les États-Unis.
Les États-Unis et le Canada
Le système bancaire se développe autour des villes du nord-est de Boston, New York, Baltimore de l'indépendance à 1820. A partir de la, les États-Unis ruraux dominent politiquement. La transition se fera sous la pression du suffrage universel, entre l'élection volée par Adams et Clay en 1824 au populiste Andrew Jackson, et l'élection de ce dernier en 1828. La BNA (banque d'amerique du nord) puis la BUS (banque des Etats-Unis) auront une charte federale. Cette derniere ne sera pas reconduite en 1811, et la deuxieme BUS ne sera pas reconduite en 1834.
À partir de là, les banques sont astreintes à un État et ne pas avoir de branche, ce qui empêche toute diversification du risque et toute économie d'échelle. Les agriculteurs acceptent cette inefficacité du système comme le prix d'un accès durable au crédit : la banque ne coupe pas le financement des producteurs de mais ou de soja quand tous les gros clients dans une ville en sont producteurs.
Contrairement aux États-Unis populistes depuis 1824, la couronne britannique, au 18ᵉ siècle, doit faire face à une population catholique francophone majoritaire au Canada. D'autres régions sont créées afin de diluer le pouvoir du Québec. Le Sénat qui contrôle les réglementations financières est nommé par le souverain. Le Canada est donc une démocratie libérale (ce qui signifie pour l'auteur que le pouvoir de la majorité fait face à de nombreux contre-pouvoirs), ce qui empêche des choix maladaptés concernant les banques.
De ce fait, les banques canadiennes n'ont pas eu de crise depuis 3 siècles alors que le système américain a connu 17 crises. Suite à la crise de 1907, la commission américaine aux affaires financière de 1910 a publié trois livres sur le système canadien et comment il évite les crises. Cependant, la décision après les commissions de 1910 ne sera pas de rationaliser le système parce que les intérêts politique au congrès ne le permettraient pas, mais de créer la réserve fédérale.
L'Amerique urbaine reprend l'ascendant politique au 20ᵉ siècle. Les changements de réglementation sont nécessaires pour faire face a la deuxième globalisation après 1980. Ces réformes ne polarisent pas une opposition partisane Démocrates/Républicains, mais une opposition ville/campagnes. Les Démocrates favorisent les villes et la consolidation bancaire. Les présidents Républicains doivent aussi la favoriser pour remporter les élections de la Floride et l'Ohio.
Le système bancaire américain est centré autour de la Caroline du Nord parce que les banques de l'État y avaient le droit de se regrouper et d'ouvrir des branches, elles avaient donc de l'avance. Les crises du savings and loans de 1980 permettent à ces banquiers de suggérer aux FDIC et aux régulateurs de permettre à ces banques solides de reprendre des opérations dans d'autres États.
La consolidation des banques américaines se fait entre 1980 et 1992, puis de 1992 à 1997. On note que des lobbys locaux sont invités à proposer plus de dérégulation à la Fed, alors que les banques promettent à ces groupes de prêter 900 milliards.
De 1990 à 2007, le congrès s'allie à ces groupes pour flécher par des mesures populistes l'accès au crédit. Il demande aux agences sponsorisés par l'État, Fannie Mae et Freddie Mac d'étendre le rachat de crédit immobilier de moins en moins solvable. Cela permet aux banques d'étendre le crédit bien au-delà de ce qui est financièrement responsable.
On en arrive a la conclusion que la banque est un système mal géré aux États-Unis, que cela est connu depuis le 19ᵉ siècle, mais que le congrès préfère arranger les choses d'une manière sous-optimale et moins prudente.
Conclusion
Ce travail de recherche concernant le système bancaire est motivé pour tirer les leçons de la grande crise financière de 2007. Les auteurs font une distinction entre autocratie et démocratie, puis entre démocratie libérale au sens défini au 18ᵉ siècle dans lequel l'État de droit limite la tyrannie de la majorité comme au Canada ou le Sénat est nommé par le souverain, et démocratie populiste, qui selon eux a pris le pouvoir aux États-Unis entre 1810-1828.
En régime populiste, les crises sont causées par des accords conclus entre les politiciens populistes et les banquiers. Selon les auteurs, la crise de 2007 est la conséquence de la loi signé par G Bush Sr en 1992 peu avant l'élection pour étendre le crédit immobilier sans apport, a des personnes sans revenu suffisant en imposant aux agences d'assumer ces prêts, qu'elles pouvaient sécuriser et revendre aux banques avec un crédit AAA.
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